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histoire de la docte sympathie
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que la destinée l’avait devance fixé. Mais lorsque le vieillard sentit s’approcher le terme qui lui était échu, il fit asseoir son fils entre ses mains, un jour d’entre les jours, et lui dit : « Mon fils, voici que l’échéance est proche, et il ne me reste plus qu’à me préparer à paraître devant le Maître Souverain. Je te lègue de grands biens, beaucoup de richesses et de propriétés, des villages entiers et de belles terres et de beaux vergers, de quoi vous suffire, et au delà, à toi et aux enfants de tes enfants. Je te recommande seulement de savoir en jouir sans excès, en remerciant le Rétributeur et en vivant dans le respect qui Lui est dû ! » Puis le vieux marchand mourut de sa maladie, et Aboul-Hassan fut extrêmement affligé et, les devoirs des funérailles accomplis, il prit le deuil et s’enferma avec sa douleur.

Mais bientôt ses compagnons réussirent à le distraire et à l’arracher à ses chagrins et firent si bien qu’ils l’obligèrent à entrer au hammam se rafraîchir, puis à changer de vêtements ; et ils lui dirent pour le consoler tout à fait : « Celui qui se reproduit lui-même en des enfants comme toi ne meurt pas ! Éloigne donc la tristesse et songe à profiter de ta jeunesse et de tes biens ! »

Aussi Aboul-Hassan oublia-t-il peu à peu les conseils de son père, et finit-il par se persuader que le bonheur et la fortune étaient inusables. Dès lors, il ne cessa de satisfaire tous ses caprices, de s’adonner à tous les plaisirs, de fréquenter les chanteuses et les joueuses d’instruments, de manger tous les jours une quantité énorme de poulets, car il aimait les poulets, de se plaire à desceller les vieux pots de liqueurs eni-