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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/234

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les mille nuits et une nuit

« Quant à moi, ô mon maître, j’ai déjà étanché ma soif à l’eau de ta maison, mais la faim m’est en ce moment une telle torture que je me contenterais bien des restes de ton repas, ne serait-ce qu’un morceau de pain sec et un oignon, rien de plus ! » Alischar, de plus en plus furieux, lui cria : « Allons ! va-t’en d’ici ! assez de citations comme ça ! Il n’y a plus rien à la maison ! » Il répondit sans bouger de sa place : « Mon seigneur, pardonne-moi ! mais, s’il n’y a plus rien à la maison, tu as sur toi les cent dinars que t’a rapportés la tapisserie. Je te prie donc, par Allah, d’aller au souk le plus proche m’acheter une galette de froment, pour qu’il ne soit pas dit que j’aie quitté ta maison sans qu’il y ait eu entre nous le pain et le sel ! »

Lorsqu’Alischar eut entendu ces paroles, il se dit en lui-même : « Il n’y a pas de doute possible, ce maudit chrétien est un fou et un extravagant. Et je vais le jeter à la porte et exciter après lui les chiens de la rue ! » Et comme il s’apprêtait à le pousser dehors, le chrétien immobile lui dit : « Ô mon maître, ce n’est qu’un seul pain que je désire, et un seul oignon, de quoi seulement chasser la faim. Ne va donc pas faire une grande dépense pour moi, c’est vraiment de trop ! Car le sage se contente de peu ; et, comme dit le poète :

« Un pain sec suffit pour mettre en fuite la faim qui torture le sage, alors que le monde entier ne saurait calmer le faux appétit du gourmand. »

Quand Alischar vit qu’il ne pouvait faire autre-