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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/285

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histoire des six adolescentes
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« Je dis à mon pauvre cœur transpercé : « Pourquoi ne veux-tu pas guérir de tes blessures ?

« Pourquoi ne te tiens-tu pas sur tes gardes envers lui ? »

« Mais mon cœur ne me répond pas, et toujours cède au penchant qui l’entraîne sous ses pas ! »

En entendant ces vers, le maître de la blonde esclave Soleil-du-Jour fut ému de plaisir et, après avoir mouillé ses lèvres à la coupe, il l’offrit à l’adolescente qui la but. Après quoi, il la remplit de nouveau et, la tenant à la main, il se tourna vers l’esclave noire et lui dit : « Ô Prunelle-de-l’Œil, ô noire à la surface et si blanche au dedans, toi dont le corps porte la couleur de deuil et dont le visage de bon accueil cause le bonheur de notre seuil, cueille-nous quelques vers qui soient des merveilles aussi vermeilles que le soleil ! »

Alors, la noire Prunelle-de-l’Œil prit le luth et y joua des variantes de vingt manières différentes. Après quoi, elle reprit le premier air et chanta ce chant qu’elle chantait d’ordinaire, et qu’elle avait composé sur le mode impair :

« Mes yeux, laissez couler abondamment vos larmes

« Sur le meurtre de mon cœur par le feu de mon amour.

« Tout ce feu dont je brûle, toute cette passion qui me consume,

« Je les dois à l’ami cruel qui me fait languir,

« Au cruel qui fait la joie de mes rivales.