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les mille nuits et une nuit

« Si j’ai un vœu à formuler au Seigneur, c’est de faire de tous mes jours des nuits pour que jamais ne me quitte l’ami ! »

« Si donc, ô blanche, je devais continuer à t’énumérer les mérites et les louanges de la couleur noire, j’irais contre ce dicton : « Des mots nets et courts valent mieux qu’un long discours ! » Seulement je dois encore te dire que tes mérites à côté des miens font une bien piètre mine. Tu es blanche, en effet, comme la lèpre est blanche et fétide et suffocante ! Et si tu te compares à la neige, oublies-tu donc que dans l’enfer il n’y a pas seulement du feu, mais que, dans certains endroits, la neige produit un froid terrible qui torture les réprouvés plus que la brûlure des flammes ? Et si tu me compares à l’encre, oublies-tu que c’est avec l’encre noire qu’est écrit le Livre d’Allah, et que noir est le musc précieux dont les rois se font des présents ? Enfin je te conseille, pour ton bien, de te rappeler ces vers du poète :

« N’as-tu point remarqué que le musc ne serait plus le musc s’il n’était si noir, et que le plâtre n’est si méprisable que parce qu’il est blanc ?

« Et le noir de l’œil, quel prix n’y attache-t-on pas, alors qu’on s’inquiète si peu du blanc ! »

À ces paroles de Prunelle-de-l’Œil, son maître, Ali El-Yamani, lui dit : « Certes, ô noire, et toi esclave blanche, vous avez toutes deux excellemment parlé. Au tour maintenant de deux autres ! »