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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/75

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aventure du poète abou-nowas
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pour qu’il m’enfermât dans ce pavillon isolé ! »

Lorsque le khalifat eut entendu ces paroles, il fut extrêmement courroucé et promit à la jeune femme de lui donner, dès le lendemain, un palais pour elle seule avec un train de maison digne de sa beauté. Puis, après une prise de possession, il sortit à la hâte, réveilla l’eunuque endormi et lui ordonna d’aller immédiatement prévenir le poète Abou-Nowas qu’il eût à se rendre aussitôt au palais.

C’était, en effet, la coutume du khalifat d’envoyer chercher le poète toutes les fois qu’il avait des soucis, pour l’entendre improviser des poèmes ouïe voir mettre en vers une aventure quelconque qu’il lui racontait.

L’eunuque se rendit donc à la maison d’Abou-Nowas et, ne l’y ayant pas trouvé, se mit à sa recherche dans tous les endroits publics de Baghdad et finit par le trouver dans un cabaret mal famé, au fond du quartier de la Porte Verte. Il s’approcha de lui et lui dit : « Ô Abou-Nowas, notre maître le khalifat te demande ! » Abou-Nowas éclata de rire et répondit : « Comment veux-tu, ô père des blancheurs, que je bouge d’ici, alors que je suis retenu en otage par un jeune garçon de mes amis ? » L’eunuque demanda : « Où est-il et quel est-il ? » Il répondit : « Il est mignon, imberbe et joli. Je lui ai promis un cadeau de mille drachmes ; mais comme je n’ai point sur moi cet argent, je ne puis décemment m’en aller avant de m’acquitter de ma dette ! »

À ces paroles, l’eunuque s’écria : « Par Allah ! Abou-Nowas, montre-moi ce jeune garçon, et si vraiment il est aussi gentil que tu as l’air de me le