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les mille nuits et une nuit

main fit glisser le voile qui la drapait ; et de ses épaules, ô rondeur de perles ! la tunique aussi glissa.

« Elle parut alors à moitié nue, sortant de sa robe retournée comme une fleur de son calice.

« Alors, comme la nuit abaissait sur nous le rideau des ombres, je voulus être plus audacieux ; et je lui dis : « Le couronnement ! »

« Mais elle me répondit : « La suite à demain ! »

« Je vins à elle le lendemain et lui dis : « La promesse ! » Elle se renversa, riant, et me répondit : « Le jour efface les paroles de la nuit ! »

Ayant entendu ces diverses improvisations, Al-Rachid lit donner une grosse somme d’argent à chacun des poètes, excepté à Abou-Nowas dont il ordonna la mise à mort à l’instant, en s’écriant : « Par Allah ! tu es d’intelligence avec la jeune fille ! Sinon comment as-tu pu faire une si exacte description d’une scène où j’étais seul présent ? » Abou-Nowas se mit à rire et répondit : « Notre maître le khalifat oublie que le vrai poète est celui qui sait deviner ce qu’on lui cache, d’après ce qu’on lui dit ! Et d’ailleurs le Prophète (sur lui la prière et la paix !) nous a dépeints excellemment quand, parlant de nous, il a dit : « Les poètes suivent toutes les routes comme des insensés. Seule leur inspiration les guide, et le démon ! Et ils racontent et disent des choses qu’ils ne font pas ! »

Al-Rachid, à ces paroles, ne voulut pas approfondir davantage ce mystère et, après avoir pardonné à Abou-Nowas, lui donna une somme double de celle qu’avaient reçue les deux autres poètes.