Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 8, trad Mardrus, 1901.djvu/211

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dalila-la-rouée… (ali vif-argent…)
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Et je fis si bien que le mokaddem Ahmad m’entendit et m’aperçut et, poussant son cheval de mon côté, me dit : « Ô frère d’Égypte, je te reconnais à ton chant ! Donne-moi une tasse de ton eau ! » Et il prit la tasse que je lui tendais, la secoua et jeta le contenu à terre, pour me la faire remplir une seconde fois et en répandre encore l’eau à terre, exactement comme toi, ô mon maître, et boire d’un trait la troisième tasse qu’il me fit remplir. Puis il s’écria à haute voix : « Vive le Caire avec ses habitants, ô porteur, mon frère ! Pourquoi es-tu venu dans cette ville où les porteurs d’eau ne sont point estimés et rémunérés ? » Et moi je lui racontai mon histoire et lui fis comprendre que j’étais endetté, et en fuite précisément à cause de mes dettes et de ma détresse ! Alors il s’écria : « Sois donc le bienvenu à Baghdad ! » et il me donna cinq dinars d’or et, se tournant vers tous les hommes de son cortège, il leur dit : « Pour l’amour d’Allah, je recommande cet homme de ma patrie à votre libéralité ! » Aussitôt chaque homme du cortège me demanda une tasse d’eau et, après l’avoir vidée, y déposa un dinar d’or ! Si bien que j’eus, au bout de ma tournée, plus de cent dinars d’or dans la boîte en cuivre pendue à ma ceinture. Puis le mokaddem Ahmad-la-Teigne me dit : « Durant tout ton séjour à Baghdad, telle sera ta rémunération chaque fois que tu nous verseras à boire ! » Aussi, en peu de jours, ma boite de cuivre se trouva plusieurs fois remplie ; et moi je comptai les dinars et vis qu’il y en avait mille et quelques ! Alors je pensai en mon âme : « Il est maintenant venu pour toi, le temps de retourner dans ton pays,