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les représentations visuelles des contacts

de leur productivité artistique. Ils possèdent une discrimination inconsciente des rapports qui relient l’œuvre d’art et l’organisme de l’artiste ; c’est intérieurement que leur vision se développe. Nous pouvons, grâce au perfectionnement de nos mouvements, acquérir la faculté de voir, d’entendre mentalement, de mesurer, de concevoir en pensée. Pour atteindre ce résultat, il faut arriver à transformer le rythme de nos mouvements, par conséquent obtenir par un accroissement de notre activité fonctionnelle des diversifications plus nombreuses.

Dans la production artistique, les causes moindres correspondent aux moindres efforts, c’est-à-dire aux moyens moins apparents qui produisent les plus grands résultats.

Nous pourrions expliquer ces relations en disant que le peintre, apte à créer une œuvre d’art, se sert du pinceau par des mouvements appropriés qui lui permettent d’utiliser véritablement cet outil artistique. À mesure que des peintres moins artistes s’en servent, il semble que le pinceau se transforme ; ce n’est plus le même outil. On peut en dire autant de la touche du clavier : pour le grand pianiste, les diversifications des degrés d’enfoncement qu’il sait communiquer à la touche par l’art de son toucher, la rendent aussi obéissante que si elle avait autant de ressorts différents qu’il lui communique d’attouchements différents. Chez l’exécutant inhabile, l’inconscience est telle que la touche ne présente qu’une seule résistance : son enfoncement total — il ne la sent et ne la voit pas autrement : ce n’est donc effecti-