Page:Le massacre au Fort George - La mémoire de Montcalm vengée - 1864.djvu/47

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eux. Je me flattais. Un jeune déterminé prit la parole, et me dit en mauvais français : Toi avoir le goût français, moi sauvage, cette viande bonne pour moi. Il accompagna son discours par l’offre qu’il me fît d’un morceau de grillade anglaise. Je ne répliquai rien à son raisonnement digne d’un barbare ; quant à ses offres, on s’imagine aisément avec quelle horreur je les rejetai.

Instruit par l’inutilité de cette tentative, que mes secours ne pouvaient qu’être tout-à-fait infructueux pour les morts, je me tournai du côté des vivans, dont le sort me paraissait cent fois plus à plaindre. J’allai aux anglais : un de la troupe fixa mon attention ; aux ornemens militaires dont il était encore paré, je reconnus un officier ; sur le-champ mon parti fut pris de l’acheter, et de lui assurer sa liberté avec la vie. Je m’approchai dans cette vue d’un vieillard Outaouack, persuadé que le froid de la vieillesse ayant modéré sa férocité, je le trouverais plus favorable à mon dessein ; je lui tendis la main, en le saluant poliment, dans l’espérance de le gagner par ces manières prévenantes ; mais ce n’était pas un homme avec qui j’avais à traiter, c’était pis qu’une bête féroce, qu’on adoucit au moins par des caresses. Non, me dit-il, d’un ton foudroyant et menaçant, tout propre à me remplir de frayeur, si j’avais été dans ce moment susceptible d’autres sentimens que ceux qu’inspirent la compassion et l’horreur. Non, je ne veux point de tes amitiés ; retire-toi. Je