Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est en contradiction avec ce qui précède et doit être regardé comme une interpolation d’origine juive. Mais l’idée elle-même n’est point une singularité du glossateur. Elle se retrouve, plus développée, dans le Livre des secrets d’Hénoch.

Avant d’être définitivement enlevé à la terre, Hénoch était monté au ciel. Arrivé au terme de son ascension, il est investi de sa mission par une onction divine[1] :

Et le Seigneur Dieu dit à Michel : Prends Hénoch et dépouille-le de ses [habits] terrestres, et oins-le d’une onction belle et habille-le d’habits de gloire. 9 Et Michel me dépouilla de mes habits et m’oignit d’une onction belle ; et l’aspect de cette onction était plus [brillant] qu’une grande lumière, et son onction était comme une belle rosée, et son parfum comme la myrrhe, et comme les rayons éclatants du soleil. 10 Et je me considérais me contemplant moi-même, j’étais comme un des glorieux et il n’y avait aucune différence. El la crainte et le tremblement me quittèrent.

Si ces termes ont quelque sens, Hénoch fut donc alors consacré Messie. Dieu lui révèle les secrets du ciel ; il redescend sur la terre pour y prêcher. Au moment où il allait remonter au ciel, et cette fois pour toujours, le peuple, groupé autour de lui, lui adresse cette prière[2] :

4 Et maintenant bénis tes fils et tout le peuple, afin que nous soyons aujourd’hui glorifiés devant ta face, parce que tu es glorifié pour l’éternité devant la face du Seigneur ; 5 car le Seigneur t’a choisi plus que tous les hommes sur la terre et t’a établi comme celui qui décrit ses créatures, les visibles et les invisibles, et qui enlève les péchés des hommes et qui aide les enfants de sa maison.

Ne dirait-on pas qu’Hénoch est ici un véritable rédempteur[3] ? Cependant, depuis son onction, le patriarche ne pouvait goûter aucune nourriture[4]. Ses exhortations terminées, des ténèbres se produisent, et les anges l’élèvent au plus haut du ciel, là où est le Seigneur.

Puis la lumière réparait, et le peuple s’aperçoit qu’Hénoch a disparu[5]. Mathusalem et ses frères offrent un sacrifice ; les anciens du peuple leur font des cadeaux, et la fête se prolonge pendant trois jours[6].

La même tradition se retrouve dans le Targum du Pseudo-Jonathan,

  1. Texte B, xxii, 8 ss.
  2. lxiv, 4 s.
  3. Il est vrai que le patriarche a protesté d’avance : « Mes enfants, ne dites pas : Notre père est devant Dieu et priera pour nos péchés, car personne n’est là pour secourir un seul homme s’il a péché » (liii, 1).
  4. lvi, 2.
  5. lxvii.
  6. lxviii.