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sceptre, et qui rendra aux justes la félicité des premiers temps[1]. Il rebâtit la ville, désormais plus brillante que le soleil, relève… probablement le Temple[2], et construit une tour qu’on peut voir du monde entier. C’est le dernier temps, celui des saints. Tous les hommes louent le vrai Dieu.

Cependant des calamités plus effroyables sont réservées au monde. Le soleil se cache et ne brillera plus que pour ceux qui ont loué Dieu[3].

Les Égyptiens se convertissent alors et bâtissent un temple à Dieu. Lorsque les Éthiopiens l’auront ruiné, ce sera la bataille formidable des astres[4], l’embrasement général, l’éther sans étoiles[5].

C’est sur ce dernier mot, qui n’est pas sans beauté, que s’arrête l’auteur. Que prévoit-il au delà ? il ne le dit pas. Des deux problèmes posés, il n’a résolu que le premier. Le Messie céleste est devenu le Messie des Juifs, et, ensuite, le roi du monde des justes. Il pressent une autre crise, la crise cosmique, mais ne la décrit que dans ses prodromes.

Ce qui n’est qu’esquissé dans les vers de la Sibylle est longuement traité dans l’Apocalypse d’Esdras[6]. On pourrait nommer ce beau livre : le problème du mal dans le monde, au point de vue d’un pieux israélite, au lendemain de la chute de Jérusalem et de la ruine du Temple[7]. Dès le début, la question est posée nettement. Adam est à peine créé qu’il pèche et entraîne ses descendants avec lui. Le monde est puni par le déluge ; aussitôt le péché reparaît. Mais Abraham est

  1. 414-417 :

    Ἦλθε γὰρ οὐρανίων νώτων ἀνὴρ μακαρίτης
    σκῆπτρον ἔχων ἐν χερσίν, ὃ οἱ θεὸς ἐγγυάλιξεν
    καὶ πάντων ἐκράτησε καλῶς πᾶσίν τʹἀπέδωκεν
    τοῖς ἀγαθοῖς τὸν πλοῦτον, ὃν οἱ πρότεροι λάϐον ἄνδρες.

  2. Le mot de Temple ne figure pas dans le texte qui est lacuneux, mais il ne peut y être question d’autre chose.
  3. 483.
  4. Geffcken cite Sénèque (Consol. ad Marc. xxvi, 6) : Nam si tibi potest solatio esse desiderii tui commune fatum, nihil quo stat loco stabit, omnia sternet… vetustas… et cum tempus advenerit, quo se mundus renovaturus extinguat, viribus ista se suis caedent et sidera sideribus incurrent et omni flagrante materia uno igne quiquid nunc ex disposito lucet ardebit.
  5. 531 : ἧψαν γαῖαν ἅπασαν· ἔμεινε δʹ ἀνάστερος αἰθήρ.
  6. Hilgenfeld, dans Messias Judaeorum (Leipzig, 1869), donne une traduction composée par lui en grec, la version latine, et la traduction latine du syriaque, de l’éthiopien, de l’arménien, et de la version arabe la plus anciennement connue (ar.1). M. Gunkel (Apokryphen und Pseudepigraphen… de Kautzsch, t. II, p. 331-401) a pu utiliser une autre version arabe (ar.2) éditée par M. Gildemeister : Esdras liber quartus arabice a cod. Vat. (1877). Le latin est cité ici d’après The fourth book of Ezra, Texts and Studies, III, n° 2.
  7. Sous le règne de Domitien (81 à 96 ap. J.-C.).