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d’hui souffrant, est sans cesse présent à sa pensée. S’il s’occupe des individus, ce n’est pas par une conviction rationnelle de leur rôle dans le monde, c’est parce que, parmi ses frères, il connaît des pécheurs. Cette pensée est de celles qui accablent l’âme quand on s’y donne avec quelque attention ; on dirait, à certaines moments, que c’est la note dominante du livre ; l’auteur n’a pas pu la rencontrer sans s’y étendre. Mais, dans les trois allégories qui forment la seconde partie de l’ouvrage et qui veulent être la réponse posée aux questions soulevées dans la première, il ne fait figurer que Sion, les Romains, Israël et le Messie. Si donc il a pris la plume dans la désolation d’Israël, c’est pour raviver ses espérances ; ses plaintes découragées, sa critique amère du monde qui va finir, se tournent en une ardente aspiration vers le messianisme, première lueur d’un autre monde encore meilleur.

La préoccupation de l’Israël historique domine tout, quoiqu’elle semble s’effacer devant la grande image entrevue de l’éternité. Le messianisme de l’auteur termine l’histoire, mais il en fait partie.

Toute cette théorie tient dans quelques versets qui sont isolés dans la première partie. Si ce n’est pas une interpolation, ou une retouche, c’est comme l’indication discrète d’un thème qui sera développé plus tard[1].

Ce thème, nous l’avons déjà dit, c’est la restauration de Sion, figurée par la vision-apologue de la veuve[2], la défaite des Romains par le Messie, ou l’aigle et le lion[3], le salut d’Israël ou l’allégorie de l’être mystérieux, semblable à un homme[4].

Jérusalem est au centre de tout, et le sauveur de Jérusalem est le Messie.

Il en porte expressément le titre[5], pour que nul ne doute de son rôle, mais il a des aspects variés. Ce Messie est nommé « homme », non point dans le sens ordinaire, comme pour accentuer sa nature humaine, mais par un simple rappel de la vision de Daniel. Lorsqu’il apparaît, c’est un être qui ressemble à un homme[6], et c’est seulement lorsqu’il aura été ainsi présenté, montant de la mer avec les nuages, qu’on le nommera « cet homme ». Il est attaqué par le genre

  1. vii, 26-29.
  2. ix, 26-x, 60.
  3. xi, 2-xii, 31.
  4. xiii, 1-58.
  5. Latin vii, 29 Christus ; xii, 32 Unctus. Versions orientales, mêmes endroits et vii, 28.
  6. Il est critiquement certain que le latin a sauté quelque chose par homoioteleuton : Du premier et vidi et ecce le copiste a passé au second. Il faut donc lire avec toutes les versions orientales : « Et vidi et ecce [hic ventus ascendere fecit de corde maris quasi similitudinem hominis et vidi et ecce] convolabat ille homo cum nubibus cœli… (xiii, 3).