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restera-t-il encore la foi à la Révélation dont il répudierait les ordonnances ? Et s’il ne garde que la croyance en Dieu, comment se distinguera-t-il d’un vague spiritualisme ?

Il n’y avait qu’une transformation possible : adopter la foi chrétienne. Les rabbins ne l’ont pas voulu. Dès lors, quand il fut devenu évident qu’ils ne convertiraient pas le monde au judaïsme, le plus sage était de se concentrer, de ne rien abandonner des pratiques, œuvres de la foi, mais aussi appui de la foi, et de faire appel au sentiment national, entretenu par les promesses messianiques.


II. — DESTINÉES DE LA PROPAGANDE.


Au premier siècle de notre ère, ces promesses ont paru près de se réaliser par le merveilleux élan de la propagande juive. Taine a dit[1] quelle force d’expansion extraordinaire se révélait chez de petits peuples qui avaient eu l’énergie de repousser, par une lutte héroïque, l’assaut d’une grande puissance. Tels les Athéniens après Salamine, les Hollandais sous Louis XIV. Le petit royaume juif, menacé dans sa foi par Antiochus Épiphane, avait su d’abord recouvrer son indépendance, puis faire quelque figure dans le monde par l’alliance des Romains.

Si l’on en croit Josèphe, la construction du Temple avait été l’ouvrage du monde entier[2]. Il est assez probable que cette époque marqua l’apogée de l’attrait ou de l’engouement des gentils pour les usages juifs. Le prosélytisme s’étendit dans tout l’Empire, et même au delà. Josèphe répondait aux attaques d’Apion : « Le goût pour notre culte est répandu partout depuis longtemps, et il n’y a pas de ville grecque ni barbare où n’ait pénétré l’usage du sabbat que nous chômons, et les jeûnes, et l’allumage des lampes, et on y observe beaucoup de points au sujet des aliments qui nous sont interdits »[3].

Ce tableau ne paraît pas exagéré.

Les faits particuliers ont été colligés avec soin par MM. Schürer[4] et Bertholet[5]. Nous ne pouvons songer ni à reproduire, ni à augmenter ces matériaux. Ce qui importe ici davantage, c’est de fixer l’attitude du judaïsme à l’égard de ceux qui avaient des velléités plus

  1. A son cours de l’École des Beaux-arts.
  2. Ant. XIV, vii, 2.
  3. Contre Apion, ii, 39.
  4. Geschichte…, 3e éd., III, 102-135.
  5. Die Stellung der Israeliten und der Juden zu den Fremden, p. 295-303.