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non plus tout entier, et pour la même raison. Rien n’empêchait un païen, séduit par les sévères aspects[1] du judaïsme, de s’arrêter au culte d’un seul Dieu[2] ; ou, s’il n’éprouvait qu’une crainte superstitieuse, de ne pas même aller jusque-là. Pour les hommes, la circoncision était un pas qu’on ne franchissait qu’après mûre réflexion, et c’est peut-être pour cela, selon la fine remarque de M. Berthelet, que les femmes étaient beaucoup plus nombreuses parmi les prosélytes. Mais les degrés, pour elles aussi, ne devaient guère être moins nombreux.

La confession d’un Dieu unique ne faisait donc pas grande difficulté. Les stoïciens panthéistes eux-mêmes n’y répugnaient pas, du moins en apparence. C’était là une vérité qu’on regardait comme acquise à la philosophie, quoique sans portée pour le culte. On notait certains aspects particuliers du Dieu des Juifs, plutôt que son universalité comme Créateur et maître du monde. Dans le premier cas connu du prosélytisme à Rome, on s’imagina que les Juifs, probablement les envoyés de Simon, frère de Judas Macchabée[3], recrutaient des adhérents à Jupiter Sabazios[4]. Les fables les plus ridicules circulaient sur ce Dieu.

Au contraire les témoignages sont nombreux et unanimes quand il s’agit du sabbat, qu’on prenait d’ailleurs souvent pour un jour de jeûne, ce qui n’était pas une erreur si grossière, puisque les Juifs ne faisaient point de cuisine chaude ce jour-là. Le chômage des Juifs qui avaient probablement, alors comme aujourd’hui, l’usage de flâner dans les rues en grande toilette, ne pouvait manquer d’attirer l’attention — ni même de contrarier bien des personnes. L’usage de chômer

  1. Tristes deos, Hor., Sat. I, v, 102-103.
  2. Un des points les plus intéressants serait de déterminer la portée et le sens exact du mouvement religieux caractérisé par le culte du Dieu Très-Haut. D’après M. Th. Reinach (art. Judaei, col. 624) : « aucun texte officiel ne nous montre jamais, en pays grec, les communautés juives proprement dites officiellement qualifiées de thiases, tout au plus peut-on revendiquer cette dénomination pour les confréries vouées au culte du Θεὸς ὕψιστος, dans le Bosphore cimmérien (notamment à Tanaïs) et ailleurs, associations qui paraissent être, les unes des synagogues déguisées, les autres des sodalicia païens plus ou moins imprégnés d’éléments juifs ».

    Il faudrait citer aussi les communautés autonomes de θεοσεϐεῖς (Cyr. Alex., P. G., LXVIII, 282). Les caelicolae sont de la même famille au ive siècle. M. Reinach ajoute enfin : « Il n’est pas sûr qu’il ne faille pas voir dans certaines de ces associations (ainsi à Gorgippia) de véritables synagogues juives sous un masque païen adopté par prudence » (art. cité, p. 629, n° 8).

  3. I Macch. xiv et xv.
  4. Cn. Cornelius Hispalus praetor peregrinus, M. Popilio Laenato, L. Calpurnio consulibus… Idem Iudaeos, qui Sabazi Jovis cultu romanos inficere mores conati erant, repetere domos suas coegit (Valère Maxime, d’après le résumé de Julius Paris ; Th. Reinach, Textes…, p. 258 s.).