Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tique sur le zèle et Les différentes tendances des missionnaires juifs, sur le cas de conscience qui se posait pour les nouveaux convertis. Le juif qui avait persuadé à Izate de craindre Dieu se nommait Ananie. La mère du jeune prince et d’autres dames de la cour avaient été converties par un autre missionnaire. Pour elles aucune difficulté. Mais quand Izate manifesta l’intention d’aller jusqu’au bout, ce fut sa mère elle-même, la fervente Hélène, le type accompli de la prosélyte, qui s’opposa à son dessein, avec l’aide d’Ananie craignant un mouvement populaire et effrayé de la responsabilité qu’il encourrait : le principal, dit-il alors, était d’honorer Dieu ; cela était beaucoup plus important que la circoncision. Ce ne fut point l’avis d’un troisième apôtre, Éléazar de Galilée, beaucoup plus pointilleux sur les coutumes nationales. Il ne suffisait pas de lire la Loi, il fallait l’observer. Et Izate s’exécuta.

Être circoncis, du moins avant de mourir, c’était ce que les rabbins appelaient payer la taxe avant le départ du bateau, comme si cette condition était indispensable au bonheur dans l’autre vie[1].

On voit combien était précaire la situation de ces « craignants ». La profession de judaïsme qu’ils croyaient faire et qui leur imposait sans doute de sérieux sacrifices, ne leur était pas comptée par les serviteurs du Dieu qu’ils avaient adopté. Leur conscience ne pouvait être satisfaite, car les docteurs comme Ananie, déjà plus rares que les Éléazar au ier siècle, le furent de plus en plus. C’était une position moyenne, qui n’entrainait l’estime de personne, ou plutôt une position fausse. Elle choquait un noble esprit comme Épictète[2].

Pourquoi te prétends-tu stoïcien ? pourquoi trompes-tu le monde ? pourquoi joues-tu le Juif, puisque tu es Grec ? Ne vois-tu pas ce qui fait qu’on dit : « Un tel est Juif, Syrien, Égyptien » ? Quand nous voyons un homme être moitié ceci, moitié cela, nous disons : « Il n’est pas Juif, mais il joue le Juif ». C’est seulement lorsqu’il prend les sentiments du « baptisé » et de l’ « élu », qu’il est réellement Juif et qu’on l’appelle ainsi[3]. Il en est de même de nous, croyants mal teints, Juifs de nom mais pas de fait.

  1. Dans l’historiette du sénateur craignant le ciel. Debarim rabba, ii.
  2. Arrien, Entretiens d’Épictète, II, ix, 19-21.
  3. Ὅταν δʹ ἀναλάϐῃ τὸ πάθος τοῦ βεϐαμμένου καὶ ᾑρημένου, τότε καὶ ἔστι τῷ ὄντι, καὶ καλεῖται Ἰουδαῖος. Il est assez difficile d’expliquer pourquoi Arrien ne mentionne pas la circoncision. Mais en réalité l’initiation juive comprenait un baptême en outre de la circoncision. On a fait beaucoup de bruit depuis peu de l’opinion de Josué b. Khanania qui soutenait, contre R. Éliézer, que le baptisé non encore circoncis était déjà prosélyte (b. Iebamoth, 46a) ; mais cette décision, appuyée par Iehouda b. Ilaï, était contraire au sentiment général, constaté par le Talmud de Babylone au même endroit, et par le Talmud de Jérusalem (Qiddouchin, trad. Schwab, t. IX, p. 285), qui ne cite même pas l’opinion contraire. D’ailleurs ce n’était qu’une question de mots et on ne pouvait officiellement