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allaités — en la personne de leurs ancêtres ? — du lait de Sara. Mais cela n’assurait pas leur bonheur dans l’autre monde. Même alors on les distinguait des vrais convertis, et on leur accordait le bonheur de ce monde comme un dédommagement. Cela résulte d’un midrach conservé dans la Pesiqta Rabbathi :

Les païens amenaient leurs enfants à Sara[1] pour qu’elles les allaitât. Les uns le faisaient de bonne foi, les autres pour l’éprouver ; mais ni les uns ni les autres n’y ont perdu. En effet, R. Lévi dit : « Ceux qui l’ont fait de bonne foi se sont convertis ; voilà pourquoi il est écrit : Sara a allaité des enfants : ils sont devenus des enfants d’Israël. Ceux qui avaient voulu seulement éprouver Sara sont devenus, d’après nos sages, grands en ce monde. Tous ceux qui se convertissent dans le monde et tous les « craignants le Ciel » qui existent dans le monde sont de ceux qui ont été allaités du lait de Sara[2].

Le texte de R. Khanin prouve qu’au iiie siècle il y avait encore des prosélytes et des « craignants le ciel ».

Une preuve non moins décisive du prosélytisme des Juifs à cette époque nous est fournie par le Talmud de Jérusalem :

Or, Isaac b. Naḥman au nom de Josué b. Lévi[3] raconte qu’un homme avait acquis toute une localité habitée par des esclaves païens, pour en convertir les gens au judaïsme et les circoncire, mais ils s’y refusèrent[4].

Il semble que dans ce cas le propriétaire n’osa passer outre. Mais on n’hésitait pas à circoncire les esclaves malgré eux, pourvu que cela n’entraînât pas des conséquences légales fâcheuses.

En cas d’achat d’esclaves incirconcis à un païen, tout dépend des conditions formulées ; si on les a achetés pour les circoncire, on les traite comme esclaves hommes, et on les circoncira malgré eux ; si l’on n’a pas convenu de vouloir les circoncire, on les traitera comme gens libres qu’il n’est pas permis de contraindre à la conversion[5].

Ces conversions forcées ne furent sans doute pas très fréquentes. Les conversions volontaires se firent de plus en plus rares. Ceux qui aspiraient surtout au culte du Dieu unique trouvaient satisfaction dans le christianisme. Ils cessèrent de former autour du judaïsme une clientèle utile et dévouée. Rutilius Namatianus regarde sans doute le ju-

  1. Devenue à la naissance d’Isaac une vraie fontaine miraculeuse.
  2. Traduction de M. I. Lévi, Revue des ét. j., t. LI, p. 30.
  3. Josué b. Lévi est un des principaux amoras du début du iiie siècle ; cf. Bacher, Die Agada der Palästin. Am. I, p. 124 ss.
  4. Iebamoth, trad. Schwab, t. VII, p. 111.
  5. Eod. loc., p. 113.