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gine juive, ne peut être bien comprise si l’on n’aborde la difficile question des Minim.

Le mot min paraît signifier tout d’abord une espèce, une variété, que la racine soit « former » ou « différencier ». Dans l’ordre religieux, une variété devient facilement une secte, c’est-à-dire un groupe attaché à une opinion de son choix, à une hérésie[1].

Les Minim sont donc les hérétiques, et un min un hérétique, naturellement aux yeux des maîtres pharisiens, qui représentent l’orthodoxie judaïque.

Un hérétique s’est séparé de sa communauté ; les minim sont donc des Juifs de différentes sectes. Ces deux points résultent clairement d’un texte du Talmud de Jérusalem[2] : « R. Iokhanan dit : Israël n’est pas allé en exil avant d’avoir donné naissance à vingt-quatre sectes de minim » ; et cela est expliqué par un passage d’Ézéchiel[3]. Le nombre de vingt-quatre est la multiplication par deux des douze tribus ; il n’a rien de précis, mais il marque bien que les Minim ne sont point une seule secte.

M. Herford, qui a colligé avec le plus grand soin tous les textes rabbiniques relatifs aux Minim, conclut que ce terme désigne à peu près exclusivement les Judéo-chrétiens. Mais les textes eux-mêmes sont contraires.

Quelques Minim nient la résurrection des corps[4], d’autres reprochent à Israël sa stérilité[5], son impureté[6], la réprobation divine dont il est l’objet[7] ; l’un d’eux jure par le grand temple de Rome[8], d’autres objectent des contradictions dans l’Écriture, soit sur la situation du tombeau de Rachel[9], soit sur la suite des faits dans l’Écriture

  1. La transition s’est peut-être faite à l’instar de γένος, qui signifie « espèce », mais aussi « race » ou « peuple ». L’identité de מין et de γένος est constatée dans la langue araméenne chrétienne ; on peut la supposer pour le judéo-araméen. Josèphe dit (Ant. XIII, x, 7) : τὸ Σαδδουκαίων γένος, comme il aurait dit : l’hérésie des Sadducéens. Cf. W. Bacher, Le mot « minim » dans le Talmud désigne-t-il quelquefois des chrétiens ? (Rev. des ét. juives, XXXVIII, p. 38-46).
  2. j. Sanh. 29c. Herford, n° 64 : א״ר יוחנן לא גלו ישראל עד שנעשו עשרים וארבע כיתות של מינים ׃ מה טעמא בן אדם שולח אני אותך אל בני ישראל אל גוים המורדים אשר מרדו בי ׃ אל גוי המורד אין כתיב כאן אלא גוים המורדים אשר מרדו בי המה ואבותיהם פשעו בי עד היום הזה.
  3. Ez. ii, 3. R. Iokhanan est un Amora qui mourut vers 279 ; il fut regardé comme le fondateur du Talmud de Jérusalem.
  4. Herford, l. l., p. 278.
  5. L. l., p. 237.
  6. L. l., p. 250.
  7. L. l., p. 235.
  8. L. l., p. 247.
  9. L. l., p. 253.