Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/342

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ce serait la tâche du Messie et la grâce que l’on implorait de Dieu[1].

En attendant les Juifs reprirent le collier et s’en trouvèrent bien. On leur permit expressément de circoncire leurs enfants, on les laissa étudier en paix leurs livres saints, et ils reprirent même partout une certaine autonomie sous la direction de leurs chefs spirituels, devenus plus que jamais leurs chefs dans l’ordre civil. Origène les invitait, sans ironie, à rechercher la Jérusalem céleste, au lieu de pleurer, comme des enfants, sur la Jérusalem de la terre[2], et c’est à partir de ce moment surtout que le judaïsme concentra tous ses efforts dans la conservation de la race et de la Loi. Il n’a jamais mis sur le même rang l’interdiction des sacrifices, résultant de la destruction du Temple, et celle de la circoncision. Le Temple avait été détruit par Nabuchodonosor et pouvait être rebâti, c’était la part de l’espérance. Sans la circoncision, il n’y avait plus de peuple juif. On accepta donc de payer aux Romains le didrachme sacré dû au Temple, et à ce prix on obtint une certaine indépendance. Origène eut le loisir de constater en Palestine que le chef de la nation jouissait d’un pouvoir presque royal[3].

L’Empire demandait seulement aux Juifs de ne pas s’afficher lorsqu’ils procédaient, d’après la Loi, à des exécutions capitales qui ne pouvaient être qu’illégales au point de vue romain.

Le chef de la nation ou ethnarque dont parle ici Origène, n’est autre que le plus haut représentant de la tradition rabbinique, le patriarche fixé à Tibériade depuis la fin du iie siècle, et héréditaire dans la descendance de Hillel, le maître le plus vénéré.

Ce fut probablement grâce à ce magistrat, reconnu par l’autorité romaine, et auquel les empereurs chrétiens reconnaissaient encore le titre de spectabilis[4], ce fut aussi sans doute grâce à la prudence et à

  1. C’est peut-être pour cela que l’Apocalypse d’Abraham est plus haineuse que IV Esdras ; cf. RB., 1905, p. 511 ss.
  2. In Jos. hom., xvii, 1 : Si ergo veniens ad Jerusalem civitatem terrenam, o Iudaee, invenias eam subversam et in cineres ac favillas redactam, noli flere sicut nunc facitis tanquam pueri sensibus… sed pro terrena require coelestem (P. G., XII, c. 910).
  3. Epist. ad Africanum, § 14 : Καὶ νῦν γοῦν Ῥωμαίων βασιλευόντων καὶ Ἰουδαίων τὸν δίδραχμον αὐτοῖς τελούντων, ὅσα συγχωροῦντος Καίσαρος ὁ ἐθνάρχης παρʹ αὐτοῖς δύναται, ὡς μηδὲν διαφέρειν βασιλεύοντος τοῦ ἔθνους, ἴσμεν οἱ πεπειραμένοι. Γίνεται δὲ καὶ κριτήρια λεληθότως κατὰ τὸν νόμον, καὶ καταδικάζονταί τινες τὴν ἐπὶ τῷ θανάτῳ, οὔτε μετὰ τὴν πάντη εἰς τοῦτο παρρησίας, οὔτε μετὰ τοῦ λανθάνειν τὸν βασιλεύοντα (P. G., XI, c. 82 s.).
  4. Cod. Theod., xvi, 8, 11. D’après j. Horayoth, 47a, Juda II, fils de Gamaliel III et ami d’Alexandre Sévère, avait une garde de Goths ; cf. « Les juges juifs en Palestine de l’an 70 à l’an 500 » par H.-P. Chajes (Rev. des ét. juives, t. XXXIX p, 39-52). La conclusion de M. Chajes est qu’ « il n’existait pas de tribunaux au véritable sens du mot, fonctionnant d’une manière permanente. Nous trouvons surtout des juges isolés, ayant des pouvoirs plus