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les atermoiements de la politique impériale, hésitant entre l’impérialisme, comme nous dirions, qui suggérait l’annexion, et la modération qui conseillait de laisser à des princes nationaux l’administration d’une nation aussi difficile à gouverner à cause de sa religion spéciale. Surtout lorsque l’empire se divisa à la mort de Néron, on put croire au retour des anciens succès. Ce fut un rêve de quelques mois, pendant lesquels on se partagea le soin d’organiser la résistance dans une sorte de consortium aristocratique, où on laissait cependant au parti des Zélotes démocrates la part qu’on ne pouvait leur enlever.

Mais plus d’un de ces chefs avisés ne tarda pas à comprendre que les choses tourneraient mal, et à se résoudre comme Josèphe à se tenir « le plus loin possible du danger » [1].

Dès lors leur préoccupation dominante fut de diriger le mouvement national pour l’endiguer et traiter avec les Romains.

L’audace des Zélotes fit échouer ce projet, audace qui paraît bien avoir été inspirée par une confiance aveugle dans le secours de Dieu. Josèphe, il est vrai, leur impute de fouler aux pieds le droit humain, de tourner en dérision les choses divines, de se moquer des oracles des prophètes comme de discours charlatanesques[2]. Certes, on ne peut justifier les atroces excès de ces sicaires, mais Josèphe, jugeant leur cause d’après l’issue, n’a peut-être pas compris la grandeur tragique de leur espoir. Lui-même met dans la bouche de Jean de Giscala, son ennemi particulier, que la ville ne serait jamais prise, parce que c’était la cité de Dieu [3].

On ne peut douter que la confiance du peuple ait été souvent ranimée par la promesse d’une intervention surnaturelle, comme lorsque ce faux prophète donna l’ordre de la part de Dieu de monter au hiéron pour y recevoir les prodiges marquant la délivrance[4]. D’ailleurs Josèphe le dit expressément : « Plusieurs prophètes étaient alors supposés par les tyrans pour dire au peuple d’attendre le secours de Dieu » [5].

Les « tyrans » étaient peut-être d’assez mauvaise foi, mais le peuple croyait aux prophéties et refusait de se rendre.

Il croyait aussi aux prodiges dont le bruit se répandait dans la ville,

  1. Bell. III, vi, 3.
  2. Bell. IV, vi, 3 : κατεπατεῖτο μὲν οὖν πᾶς αὐτοῖς δεσμὸς ἀνθρώπων, ἐγελᾶτο δὲ τὰ θεῖα, καὶ τοὺς τῶν προφητῶν χρησμοὺς ὥσπερ ἀγυρτικὰς λογοποιΐας ἐχλεύαζον.
  3. Bell. VI, ii, 1.
  4. Bell. VI, v, 2 : ὡς ὁ Θεὸς ἐπὶ τὸ ἱερὸν ἀναβῆναι κελεύει, δεξομένους τὰ σημεῖα τῆς σωτηρίας.
  5. Eod. loc.