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revêtit l’habit royal dès le début. Mais les partisans d’Éléazar dirent que, combattant pour la liberté, ils n’avaient que faire d’un roi et le tuèrent[1].

L’esprit démocratique des Zélotes était irréductible. Ce fut un avertissement pour les chefs. On ne voulait de maître que Dieu. Mais il ne faudrait pas voir là une opposition systématique au messianisme. Le caractère religieux de cette attente était sans doute encore trop marqué pour qu’on donnât le titre de Messie à un chef de bandes, trop connu et mal famé. Cela n’empêchait pas d’espérer l’apparition éclatante d’un Messie envoyé de Dieu au moment où il donnerait le signal du triomphe.

Ce trait n’en est pas moins à retenir pour fixer dans quelle mesure le messianisme eut une part dans la guerre. On se battit, et, dans les moments libres, on égorgea, on pilla, on exécuta, avec une persuasion plus ou moins intense, plus ou moins sincère, de soutenir la cause sacrée de Dieu et de l’indépendance nationale, dans la confiance du secours de Dieu que les prophéties et l’opinion générale résumaient dans l’avènement du Messie, sans qu’aucun Messie fût désigné pour prendre la tête du mouvement. Cette manifestation était réservée à Simon bar-Kokébas, sous Hadrien, dans la dernière révolte. Néanmoins, et si l’on tient compte du parti pris de Josèphe, on peut conjecturer qu’il eut de nombreux précurseurs et reconnaître des Messies manqués dans plusieurs de ces imposteurs ou faux prophètes qui se proclamaient rois, ou convoquaient la multitude dans l’espérance que des prodiges venus du ciel leur donneraient la consécration de l’appel de Dieu.

L’importance du messianisme dans la dernière guerre a été relevée par Tacite et par Suétone. Il nous paraît certain que Tacite a décrit le siège de Jérusalem d’après Josèphe, au moins indirectement, car s’il l’avait eu sous les yeux, peut-être n’eût-il pas été aussi injuste envers la religion juive. Si, dans un résumé fort court, il a insisté sur les anciens oracles, c’est peut-être que ses renseignements personnels confirmaient sur ce point ou même dépassaient ce que laissait entrevoir l’historien juif. Après avoir rappelé quelques-uns des prodiges signalés par Josèphe, Tacite écrit : « Tout cela n’effrayait que le petit nombre ; le plus grand nombre se persuadait que les anciens livres sacerdotaux annonçaient que dans ce temps-là même l’Orient serait plus fort et que des personnes venues de la Judée s’empareraient du pouvoir. Ces oracles ambigus prédisaient Vespasien et Titus. Mais le

  1. Bell. II, xvii, 9.