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LE POISSON D’OR

Il fit en même temps le plongeon et disparut.

La chaloupe se pencha jusqu’à tremper sa toile dans l’écume que soulevait son avant : elle bondit sur la lame qui la prenait par le travers et nous inondait périodiquement. Le vent valait mieux que le courant. Seveno lofa et nous courûmes grand largue dans la direction de la citadelle.

Les matelots se disaient entre eux :

— Ouvre l’œil ! Il va se montrer tout à l’heure, et quoique ça soit la vermine des vermines, on n’est pas là pour lui passer dessus.

— Le voilà, dit Jean-Pierre, à bâbord, sous le vent ! Lofez, patron !

Seveno inclina la barre sous le vent, et nous allâmes debout, au courant, qui rabattait avec une force terrible, entraînant des épaves de toute sorte.

— Le voilà ! cria de son côté Courtecuisse, à tribord ! Arrive, patron, sans vous commander… Ah le banian ! c’est de l’ouvrage !

Seveno revint au vent. Chez lui et parmi son équipage, il n’y avait ni entrain ni conviction. D’une part, la besogne ne leur plaisait pas ; de l’autre, ils étaient convaincus d’avance de l’inutilité de leurs efforts.

Loin, bien loin derrière nous, une voix se prit à chanter la Marseillaise.

— Amène ! grinça le patron qui ferma les poings. Il a gagné au vent. Tout le monde aux avirons.

La vojle tomba, et la chaloupe, emportée par le courant, fila comme une flèche.

Ce fut Vincent qui découvrit le Judas, à quatre ou cinq cents pas de nous, sur la lisière du chenal. En deux minutes, nous perdîmes tout ce que nous avions gagné :

! es lumières de Larmor et celles de Gavre s’en-