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LE POISSON D’OR

Comme par enchantement, les barques vides s’emplissaient, enfonçant leur plat-bord au niveau de l’eau. Et d’autres venaient : quatre sous ! C’était le cours. On marchandait bien un peu, mais on y passait. Ce n’est pas tous les jours fête.

Le bateau du clergé, orné comme une chapelle, poussa au large au bruit du canon de la citadelle ; les cloches redoublèrent leurs carillons, et, dès que la poudre se tut, un cantique chanté par dix mille voix monta jusqu’au ciel.

Au même instant les prêtres de Larmor et ceux de l’île de Groix avaient quitté le rivage. Ils voguaient à la rencontre les uns des autres, lentement et suivis à distance par la foule des embarcations profanes.

Bientôt l’espace entre Larmor et Gavre fut complétement dégagé. Les cortèges, formant trois flottes distinctes, convergeaient vers le milieu des couraux où était à l’ancre une cabotaine de l’île de Groix, surmontée d’un dais de velours. Malgré la distance, je pouvais distinguer sur le pont l’autel dressé et les berges qui attendaient l’allumoir.

Le bruit des cantiques s’adoucissait à mesure que les chœurs s’éloignaient, et toutes ces voix rauques arrivaient à former ainsi une belle harmonie. Il ne restait sur la plage que moi et ceux qui n’avaient pas quatre sous. Chacun suivait la cérémonie avec recueillement. Le silence, pourtant, était rompu parfois par un murmure soudain et sourd. Chacun montrait alors la mer, que je voyais briller à de certains endroits comme si elle eût été parsemée de clous d’acier taillés à facette. Et, tout autour de moi, on répétait à voix basse :

– La sardine ! la sardine !