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LE POISSON D’OR

domestiques au château, dix chevaux à l’écurie… Écoutez donc ! Le colonel était not’maître, au bourg de Riantec, il aimait le bon Dieu et le roi ! il est mort pour eux, faut pas lui en vouloir. Non.

Il y avait donc que patron Bruant avait été domestique au château. On a dit et redit qu’il s’était fait mettre dehors pour avoir volé ; connais pas, mais pour en être bien capable, ça y est. Il venait à la pêche avec nous sur un ligneur de Loc-Malo ; je n’avais pas de pilotin, je le pris. Pas de chance !

Un soir, il paya à boire. — Es-tu malade ? que je lui dis. — Je veux te demander un conseil, qu’il me répondit. — Nage !

Voilà donc qu’il me fait : — Matelot, nous sommes tous des citoyens égaux devant la loi, pas vrai ? Je répondis : — À preuve que tu n’es qu’un propre à rien et moi toujours solide au poste. Navigue !

— Matelot, étant tous égaux devant la loi, il n’y a plus aucun passe-droit de privilège ni autres.

— À preuve qu’il reste éternellement des commissaires plein le port et que c’est pas moi qui mange le turbot que je pêche. Allume !

— Matelot, c’est pour dire que ci-devant les gueux de Penilis avaient seuls la chose de pêcher le poisson d’or au Trou-Tonnerre, et que maintenant…

— Je te défends d’insolenter les Penilis, qu’est mes anciens maîtres. File ton câble.

— Et que maintenant, matelot, tout un chacun peut s’en donner l’agrément. Voilà !

Il est sûr, mes garçailles, que chacun savait ça d’autrefois. C’était peine perdue de couler son plomb au Trou-Tonnerre, si on n’était pas un Chédéglise. J’ai souvent ouï dire à not’papa, qu’était pilote lamaneur,