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Page:Le poisson d'or.djvu/74

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LE POISSON D’OR

« P.-S. Je prends la malle et j’arriverai le même soir de ma lettre. »


Vincent ! mon beau Vincent ! J’appelai aussitôt tous mes valets, c’est-à-dire la vieille Goton, notre factotum, et je lui ordonnai de recevoir un grand jeune homme à la crinière blonde et embrouillée, rouge en figure, très timide, très débraillé et probablement pieds nus.

– Bonne pratique gronda Goton, qui, chez nous, tenait un peu la caisse.

— Attends donc ! m’écriai-je en ressaisissant la lettre. Pieds nus ! Ah ! bien oui !… Je n’ai pas la berlue ! Il a pris la malle-poste ! Est-ce qu’il aurait enfin croché le poisson d’or !

Goton me regarda d’un air compatissant. Elle ne me considérait pas comme ayant la tête forte.

— Entrez, monsieur, dit maman Corbière au bout du corridor.

Pendant que je faisais la leçon à mes valets, ma bonne mère avait été obligée d’ouvrir la porte. Le « monsieur » : entra c’était Vincent avec ses deux homards. Mais combien il avait gagné ou plutôt perdu, hélas ! Sans le panier lorientais, je ne l’aurais pas reconnu. C’était Vincent, mais il avait des souliers ; c’était Vincent, mais ses grands cheveux blonds étaient coupés ; au lieu de sa chemise débraillée, il portait une redingote noire. Mon mousse ressemblait à un séminariste.

Il entra, les yeux baissés. La seule chose qu’il eût conservée intacte, c’était un pied de rouge sur le front.

– Bien le bonsoir, monsieur l’avocat, dit-il en saluant respectueusement, voilà les homards avec ales compliments de M. Keroulaz et de Mlle Jeanne.