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LE POISSON D’OR

moi je suis fort à mon aise : c’était à moi de me déranger évidemment… évidemment… Comment va ? Et les affaires ? La pêche s’annonce à miracle, chez nous, cette année… Vous ne croyez pas aux bruits de guerre ? Assez de guerre, hein ? Qu’on nous laisse souffler. Ce sont les travailleurs qui manquent. Misère ! j’ai eu assez de peine à former mes équipages… Il y avait longtemps que j’avais envie de faire votre connaissance.

Il dit ces diverses choses, qui n’avaient pas beaucoup de suite, à la file et sans reprendre haleine. Son débit, en parlant, ne manquait pas d’aisance, mais sa présence même trahissait ses craintes, et je devinais son trouble au travers de ses efforts.

– Veuillez prendre un siège, monsieur Bruant, lui dis-je avec toute la froideur dont on peut faire usage sans tomber jusqu’à l’impolitesse.

– Bien honnête, répliqua-t-il, bien honnête. J’ai de bonnes connaissances à Rennes. J’ai eu le préfet chez moi, au château, lors de la tournée, quand il était à Vannes et j’ai dîné avec le procureur général, à Lorient, chez l’amiral. Voyons de quoi retourne-t-il, monsieur Corbière ? J’ai idée que vous allez faire, ce soir, une bonne affaire avec moi, hé hé !

De la lettre renvoyée ni de la caisse de vin d’Espagne, pas un mot.

— Personnellement, monsieur, répliquai-je, je ne suppose pas que je puisse avoir aucune affaire avec vous. J’ai mon client, dont les intérêts sont opposés aux vôtres.

– Mais du tout ! s’écria-t-il, mais du tout ! Voilà l’erreur ! En quoi opposée ? Ce bon vieux Keroulaz est entêté comme une mule. Je lui ai dit : Donnez-moi votre fille en mariage…