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Page:Le premier cartulaire de l'Abbaye cistercienne de Pontigny.pdf/18

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cartulaire de l’abbaye cistercienne de pontigny.

qu’ils dédièrent à la Vierge, comme l’était l’église mère de Cîteaux[1]. Cependant les débuts furent, là encore, difficiles ces douze hommes et leur abbé, livrés à eux-mêmes, devaient tout faire par leurs propres moyens. Mais rapidement, attirées par le renom de piété d’Hugues de Mâcon, de nouvelles recrues affluèrent. En même temps, les seigneurs des alentours, chefs de grandes principautés et petits nobles locaux, dotèrent de terres et de droits divers la nouvelle abbaye, asseyant ainsi sur une base foncière solide la fortune naissante de la seconde fille de Cîteaux. C’est là la manifestation d’un nouveau mouvement de piété qui détourna les dons laïcs des anciens monastères clunisiens, auxquels on reprochait un trop grand relâchement, vers les nouveaux établissements nés de Cîteaux, dont le désir d’ascétisme et de retour à la stricte observance de la règle de saint Benoît répondait mieux à la nouvelle conception de la vie religieuse. Parmi les bienfaiteurs qui contribuèrent à l’essor de Pontigny, on a coutume de citer les rois de France ainsi que, surtout, le comte de Champagne, Thibaut le Grand, qui fut d’ailleurs le père de la reine Adèle, épouse de Louis VII. C’est lui, en effet, qui fit reconstruire en 1150 l’église de Pontigny qui était devenue trop petite il fit aussi refaire les premiers bâtiments du monastère et entourer l’abbaye d’une enceinte de quatre mètres de hauteur, de même qu’il fit rebâtir le noviciat, le réfectoire, l’infirmerie, le logis des hôtes et y ajouta un chapitre, un «parlement», un cloître et un dortoir. Bien d’autres seigneurs accrurent le patrimoine de Pontigny les comtes de Nevers et les familles voisines, comme celles de Seignelay, de Saint-Florentin, de Montréal ou de Noyers, pour ne citer que les plus illustres. Nous avons une preuve de l’état florissant de Pontigny quarante ans après sa fondation dans la bulle d’Alexandre III en 1156 : dans cette dernière il est fait mention des nombreuses granges, c’est-à-dire des exploitations agricoles, qui à cette date appartenaient à l’abbaye Beugnon, Sainte-Procaire, Crécy, Chailley, Boeurs, Villiers, Aigremont, Champtrouvé, Fouchères et Aigriselles[2]. Aussi vers 1157 on peut affirmer qu’il y avait près de cent moines et plus de trois cents convers installés à l’abbaye même et dans les diverses granges[3].

La preuve du rapide développement de l’abbaye de Pontigny, nous l’avons aussi par les fondations auxquelles elle-même donna naissance cinq ans après l’installation des premiers moines sur les bords du Serein, une petite colonie quittait le monastère, et l’on dénombre sous l’abbatiat de Guillaume[4], qui, après Hugues de Mâcon, fut à la tête de Pontigny, douze établissements qui furent fondés. C’est ainsi qu’avant la mort dudit Guillaume, Pontigny comptait quinze «filles» en France[5]. Nous avons un écho de ce mouvement, dans le cartulaire, par une lettre adressée par Eble de Mauléon à l’abbé de Pontigny pour le remercier d’avoir envoyé quelques moines à l’île de Ré y fonder un nouveau monastère (No 114) ; une brève allusion est faite aussi à l’abbaye de Quincy, qui tune erat et modo est Pontigniaci, dans un acte de 1246 (No 233).

  1. Canivez, Statuta…, p. 17, no 18.
  2. Arch. dép. de l’Yonne, H 1403.
  3. Archdale A. King, Cîteaux and her elder daughters, p. 148 et suiv.
  4. Guillaume, abbé de 1136 à 1165.
  5. Voir la carte qui a été dressée d’après le registre de l’état des fondations l’ordre de Cîteaux, Arch. dép. de la Côte d’Or, 11 H 2.