Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/101

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M. Leblois. — Je préfère ne pas donner d’explications au sujet de cette lettre, car je risquerais d’altérer la version que vous fournira tout à l’heure le colonel Picquart. (Rires.)

Je crois qu’il y a un malentendu. Au sujet des deux télégrammes, j’ai dit que leur texte même était une preuve certaine qu’ils émanaient d’un homme au courant de tous les secrets du bureau des renseignements de la guerre ; mais je ne puis dire cela que des télégrammes, parce que j’en possède le texte. Je ne puis pas parler avec autant de certitude d’une lettre que je n’ai pas vue et sur laquelle je n’ai que des renseignements.

Me Labori. — Monsieur le Président, je réponds à l’observation que vous m’avez faite tout à l’heure quand vous disiez que vous ne voyiez pas la connexité entre ces faits et l’affaire Esterhazy ; j’essaierai delà montrer dans ma plaidoirie, mais je suis prêt à fournir tout de suite mes explications sur ce point à la Cour.

M. le Président. — Vous les donnerez dans votre plaidoirie.

Me Labori. — C’est entendu, je continue donc à poser ma question ou plutôt, je vous prie, monsieur le Président, de poser ma question à laquelle M. Leblois n’a pas répondu parce qu’elle a été oubliée dans cette discussion. Quelle était, au point de vue des machinations dont vient de parler M. Leblois, la portée de cette lettre fausse, qui a été interceptée dans les bureaux de la guerre ?

M. Leblois. — J’ai dit tout à l’heure que j’estimais que cette lettre fausse signée Speranza était comme une pierre d’attente sur laquelle allait s’élever peu à peu l’édifice des machinations dirigées contre le colonel Picquart.

Au sujet des deux télégrammes, faut-il que je redonne des détails ?

M. le Président. — Non.

Me Labori. — Monsieur le Président, nous y tenons beaucoup.

M. le Président. — Puisque les défenseurs vous le demandent, pariez.

M. Leblois. — En effet, le télégramme suivant : « On a des preuves que le bleu a été fabriqué par Georges. — (Signé) Blanche » me suggère cette réflexion : qui pouvait savoir, à ce moment-là, en dehors des bureaux du ministère de la guerre, qu’il y avait une enquête contre le commandant Esterhazy, et surtout que la base de cette enquête était précisément un petit bleu ? C’était un secret absolu.

Les deux télégrammes dont j’ai parlé tout à l’heure n’étaient pas les éléments uniques de cette machination très compliquée dirigée contre le colonel Picquart ; il y a eu d’autres télégrammes envoyés par des tiers ; par exemple, un individu envoyait de Paris un télégramme signé « Baron Keller » et adressé à Sousse à une prétendue baronne Keller. Tons ces télégrammes étaient destinés à compromettre le colonel Picquart. Les deux télé-