Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/100

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sont comme moi, — quelle en était la portée, et je voudrais que M. Leblois s’expliquât là-dessus d’une façon plus complète.

M. le Président. — Voulez-vous m/adresser les questions ?

Me Labori. — Je n’ai pas compris quelle était la portée de la seconde lettre que M. Leblois nous présente comme un document faux. Je vais dire ce que j’ai compris, M. Leblois rectifiera s’il y a lieu.

Voici l’ordre dans lequel les documents se sont succédé : il y a eu d’abord une première lettre adressée au colonel Picquart, qui était authentique, dans laquelle il était question du Demi-Dieu et du Bon Dieu et qui aurait été interceptée . On aurait connu ces expressions de Bon Dieu et de Demi-Dieu auxquelles on aurait donné un sens qui était faux. Puis, à un moment déterminé, serait parvenue au ministère de la guerre une lettre qui n’aurait jamais été remise au colonel Picquart, son destinataire.

Cette seconde lettre, qui était signée Speranza, était fausse. M. Leblois pourrait-il nous dire quelle était la portée de cette dernière lettre et dans quel dessein il estime qu’elle a été adressée au colonel Picquart ?

M. Leblois. — Ce ne pouvait être que pour le compromettre. Quant au contenu, il faut le demander au colonel Picquart, qui n’a pas de copie de cette lettre ; car elle a été interceptée d’une façon complète.

Me Labori. — Par qui cette lettre a-t-elle été interceptée ?

M. Leblois. — Par les bureaux du ministère de la guerre.

M. le Président. — Qui vous l’a dit ?

M. Leblois. — Le colonel Picquart. C’est une certitude absolue puisqu’on lui a montré la lettre originale.

M. le Président. — Nous verrons cela, car tout ce que je viens d’entendre concerne le colonel Picquart.

Me Labori. — Cela concerne aussi M. Leblois ; d ailleurs, nous entendrons le colonel Picquart.

M. le Président. — Jusqu’ici je n’ai pas entendu parler du Conseil de guerre qui a acquitté le commandant Esterhazy ?

Me Labori. — En toute affaire, il est permis à la défense de poser des questions. Nous en tirerons parti en plaidant.

M. le Président. — Je dis seulement que je ne saisis pas la question.

Me Labori. — J’essaierai de la faire saisir a MM. les jures quand je plaiderai.

Me Clémenceau. — Voulez-vous me permettre, monsieur le Président, de poser une question ? Tout à l’heure, le témoin a dit : « Cette seconde lettre, qui était un faux, était rédigée de telle façon qu’on avait la preuve qu’elle émanait d'un personnage qui avait connaissance de documents des bureaux de la guerre.» Mais le témoin n’a pas expliqué cette affirmation. Je voudrais lui demander qu’est-ce qui, dans cette lettre, a pu lui permettre de nous dire qu’elle émanait des bureaux de la guerre. Qu'y avait-il dans cette lettre, quelle en était la portée ?