Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/90

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Quel a été le caractère de votre vie commune depuis votre mariage ?

15° Votre mari n’a-t-il pas toujours déclaré, pendant l’information et depuis, que toute cette affaire était incompréhensible, qu’il était la victime d’une machination inexplicable ?

Observations de M. l’Avocat général
et réponse de Me Labori.

M. l’Avocat général Van Cassel. — Messieurs, je n’ai pas l’intention de répondre aux faits dont on vient de vous donner lecture, car il y a des discussions que je veux éviter à ce moment du débat. Je ne les éviterai pas toujours, au contraire, mais, à l’heure qu’il est, nous traitons une question de droit, et j’ai simplement à rappeler à la Cour, qui le sait du reste aussi bien que moi, que le fait qui est spécialement visé, c’est-à-dire la preuve de l’innocence et de l’illégalité, a été expressément rejeté sous le numéro 8 de l’arrêt qu’elle a rendu hier.

Je fais, maintenant, en fait, remarquer simplement ceci : c’est que les incidents se répètent à l’audience, mais qu’ils sont toujours les mêmes, et que MM. les jurés, auxquels vous vous adressiez tout à l’heure, retiendront que vous avez pour la chose jugée hier le même respect que pour celle qui a été jugée parles décisions antérieures. Voilà ce que j’en retiens.

J’ai dit, lorsque j’ai pris succinctement la parole au début de cette audience, qu’il y avait un plan qui était arrêté ; il s’exécute, et en voici la formule que vous venez vous-même de donner : « Je ne connais pas la loi et je ne veux pas la connaître. »

Eh bien ! nous, nous la connaissons et nous la ferons respecter avec l’aide de MM. les jurés, en qui j’ai une absolue confiance.

Me Fernand Labori. — M. Zola répondra dans un instant, et c’est pour lui assurer le moyen de le faire que je prends la parole.

M. le Président. — Prenez-la une bonne fois, et que cela ne se renouvelle pas à chaque témoin !

Me Fernand Labori. — Pardon. Je suis tout à fait désolé si la ligne de conduite dans laquelle je m’engage peut être en quelque façon incommode ou désagréable pour qui que ce soit. Ce que je sais bien, c’est qu’elle m’est dictée par une conviction si profonde et par une résolution si arrêtée que rien, rien, ne m’en fera dévier !

Cela dit, je réponds en un mot à M. l’Avocat général. M. l’Avocat général qui, après un début ferme et énergique, avait gardé un grand silence pendant toute la dernière partie de l’audience d’hier...

M. l’Avocat général. — Jusqu’à l’abnégation.

Me Fernand Labori. — Jusqu’à l’abnégation... s’est levé, aujourd’hui, et s’est levé pour dire qu’on se trouve en face d’un plan arrêté, que ce qui se répète ce sont les mêmes incidents partant de la même idée préconçue.