Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/91

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Je le veux bien, mais le plan que nous avons arrêté, c’est le plan qui conduit à la lumière. Il est un autre plan qui se répète de l’autre côté de la barre, c’est le plan qui conduit à l’obscurité et aux ténèbres.

On a parlé de la chose jugée. Nous en avons le respect ; nous avons le respect, Messieurs, de celle que vous avez jugée hier ; mais il n’y a entre celle-là et l’autre, et ce que nous voulons démontrer ! qu’une différence, c’est que la chose qui a été jugée hier a été légalement jugée, et qu’en ce qui concerne l’autre, nous prétendons démontrer le contraire.

Je suis devant MM. les jurés, auxquels j’ai le regret de ne pas m’adresser assez depuis deux jours, auxquels nous nous adresserons, quand le moment sera venu, à qui nous ne pouvons parler maintenant, uniquement et directement, parce que ce qui s’agite ce sont des questions de procédure dont la Cour est juge et pas eux malheureusement, car, s’ils en étaient juges, je sais bien ce qu’ils crieraient tous les douze : De la lumière !... Mais, s’ils n’en sont pas juges, ils en restent témoins, ils seront juges à la fin de ces débats, juges souverains, juges de la culpabilité et de la responsabilité de tous.

Voilà ce que j’ai voulu poser en principe.

J’ai fini maintenant. Mais il en est un autre qui, après moi, a un mot à dire : c’est M. Zola, à qui M. l’Avocat général s’est directement adressé ; je demande à M. Zola de préciser ce qu’il a voulu dire, d’expliquer ses paroles, et de répondre, à son tour, avec toute la sincérité, toute la conviction, tout le sentiment d’abnégation dont je le sais capable.

M. Emile Zola. — Messieurs les jurés, c’est à vous que je m’adresserai. Je ne suis pas un orateur, je suis un écrivain, mais malheureusement...

M. le Président. — C’est à la Cour que vous devez vous adresser.

M. Emile Zola. — Je vous demande pardon, je croyais que j’avais la permission de m’adresser à MM. les jurés. Je m’adresserai donc à vous ; ce que j’ai à dire sera aussi bien dit.

Je suis un écrivain, je n’ai pas l’habitude de prendre la parole en public, je suis un être extrêmement nerveux et il peut arriver que les mots que j’emploie expriment mal ma pensée. Je me suis mal exprimé sans doute, puisqu’on ne m’a pas compris. On me fait dire que je me suis mis au-dessus de la loi. Ai-je dit cela ?

Me Fernand Labori — Vous avez dit : La loi, je n’ai pas à la connaître en ce moment-ci.

M. Emile Zola. — Je voulais dire en tout cas que ce n’est pas contre cette grande idée de la loi que je me révoltais ; je m’y soumets totalement, et c’est d’elle, et aussi d’un peu d’honorabilité et de conscience, en ce qui me concerne, que j’attends la justice.

Je voulais dire que c’était en quelque sorte contre la procédure qu’exprimaient toutes ces arguties qu’on élève contre moi,