Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/163

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ces qui seraient indispensables et dont nous n’étions pas les détenteurs.

Qu’avons-nous fait ?

M. le Procureur général, ou la partie plaignante qui est derrière lui, M. le Ministre delà guerre, a, comme nous, cinq jours pour notifier les pièces à l’aide desquelles il entend faire la preuve contre nous, la preuve que nous avons menti et diffamé. Ces cinq jours courent du jour où nous avons fait nous-mêmes notre signification. Nous avons alors fait à M. le Procureur général une sommation et nous lui avons dit : « Nous ne pouvons pas mettre aux débats telle et telle pièce, tel ou tel dossier, notamment le bordereau original, qui est toute la base de l’affaire et dont nous aurons à parler ; vous l’avez, vous, mettez-le aux débats, vous avez cinq jours pour le faire, si vous voulez la lumière. » (Se tournant vers M. l'Avocat général.) Et vous ne l’avez pas fait !

Messieurs, la sommation, au point de vue juridique, doit avoir nécessairement pour objet, pour but et pour résultat d’étendre le pouvoir discrétionnaire de M. le Président, et aujourd’hui que la nécessité de la production d’une de ces pièces, et il s’en rencontrera d’autres au cours du procès, devient indispensable, nous demandons à M. le Président d’ordonner que le dossier dont vient de parler Me Leblois, qui est au ministère de la guerre, soit mis au débat.

M. le Président n’a qu’une chose à faire, c’est d’ordonner que M. le Procureur général fasse la demande au ministère de la guerre. On verra alors si M. le Ministre de la guerre veut en donner communication ; et si, M. le Procureur général ayant fait la demande, M. le Ministre de la guerre refuse d’y faire droit, nous aurons le droit de dire que ces pièces contiennent ce que nous affirmons.

M. Leblois. — Voulez-vous me permettre une observation importante ? C’est qu’il est possible, je crois, d’établir l’exactitude de mes affirmations en ce moment même, en se reportant aux termes du rapport de M. Ravary, qui est un document officiel. Si on se reporte au texte de ce rapport, on y voit qu’au mois d’août, on a communiqué le dossier de l’affaire Dreyfus au colonel Picquart ; que cette communication lui a été faite par le colonel Henry ; que le colonel Picquart a conservé ce dossier pendant deux mois ; et c’est dans ces deux mois qu’on place la scène à laquelle on vient de faire allusion.

Eh bien ! si la Cour veut faire de ces deux mois le compte le plus large possible, elle verra qu’ils ne peuvent pas aller au delà du 31 octobre au plus tard, parce que deux mois à partir du mois d’août, cela ne va guère que jusqu’aux derniers jours d’octobre. Or, j’ai quitté Paris au mois d’août, le 5, et je suis rentré à Paris le 7 novembre. J’étais en état d’établir ce fait d’une façon incontestable au moment où il en a été question avec le commandant Ravary. Je l’ai dit au commandant Ravary, qui m’a répondu : « Personne ne saurait mettre en doute