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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/296

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cela veut dire, je n’ai jamais vu tourner une table de ma vie ! (Rires.)

Il y avait encore sur moi d’autres renseignements bizarres : ainsi, on voulait absolument trouver chez moi une dame voilée, et cela me montre qu’on avait pris des renseignements très détaillés sur mon compte, puisqu’on savait que dans ma maison avait habité une dame de B..., et que cette dame m’avait écrit des lettres. Mais, ce qu’on ne savait pas, c’est que j’avais dit au gérant : « Si cette personne continue à m’écrire, je quitterai la maison. » Le gérant m’a répondu : « Elle écrit comme cela à tout le monde ; il ne faut pas y faire attention. » (Rires.)

Ce qui m’a étonné, c’est qu’on ait dit au général de Pellieux que cette femme était en relations avec moi, qu’elle venait même tenir la bride de mon cheval lorsque je revenais de ma promenade. Je reconnais là les rapports de police ! (Nouveaux rires.)

Il y a encore d’autres choses qui m’ont étonné ; mais, enfin, je passe sur tous ces détails...

Me Labori. — voulez-vous me permettre, monsieur le Président, d’insister auprès du témoin pour qu’il ne ménage aucun détail, tous ceux qu’il pourra nous donner pourront nous être utiles plus tard.

M. le Président. — Si ce sont des détails utiles, oui... (Au témoin) ne donnez que ceux qui sont utiles à la cause.

Me Clémenceau. — Le témoin ne peut apprécier quelles sont les intentions de la défense ; nous insistons pour qu’il dise tout ce qu’il sait. Il est certain que personne ne me démentira si je dis que le colonel Picquart a été attaqué à cette audience : je pense donc que M. le Président insistera pour qu’il puisse se défendre en toute liberté.

M. le Président, au témoin. — Dites donc ce que vous voudrez.

Me Labori. — En ce qui concerne les attaques dont M. le colonel Picquart a été l’objet, nous nous expliquerons et lui aussi. Mais, en ce moment, j’étais frappé de ceci, c’est que le témoin, par un sentiment qui m’est apparu, à moi, comme un sentiment de discrétion au point de vue de l’étendue de sa déposition, voulait passer sur certains détails. Je considère que tout ce que le colonel Picquart nous a dit jusqu’à présent se rattache directement au débat et a une importance telle que, très respectueusement, je le supplie de dire ici tout ce qu'il croit devoir dire, sans rien ménager et sans se préoccuper du temps qui lui sera nécessaire pour être complet,

M. le Président, au témoin. — Continuez votre déposition.

M. le colonel Picquart. — Il y a encore un détail qu'a cité le général de Pellieux, et qui devait évidemment provenir d’un rapport de police ; c’est que Mlle de Comminges aurait dit : « Surtout, que le colonel Picquart n’avoue jamais ! » J'avoue que nous en avons bien ri ensemble. Je me demandais qu'est-ce que je ne devais pas avouer !