Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/330

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Oserais-je vous prier, monsieur le Président, de poser cette question au témoin: Se souvient-il comment ce dossier a été rendu au Service?

M. Gribelin. — J’ai dit une première fois que je croyais que le général Gonse l’avait repris au départ du colonel Picquart; mais le général Gonse l’avait repris au colonel Picquart quelques jours avant son départ; je crois que c’est le 12 novembre.

M. le colonel Picquart. — Je tiens à faire remarquer cela, parce que je ne crois pas à la mauvaise foi de M. Gribelin, mais à un défaut de mémoire ou à une confusion de dossier; je sais que M. Gribelin est un parfait honnête homme...

M. le Président. — J’ai demandé tout à l’heure des renseignements au général Gonse et il a donné sur son compte les meilleurs renseignements.

M. le colonel Picquart. — Je ne le crois pas capable de commettre une infamie: mais je le crois capable de se tromper.

M. Gribelin. — Vous pouvez croire que, ce que je dis, je l’ai vu.

M. le colonel Picquart. — Mais, moi, je dis que non.

Me Labori. — Voulez- vous me permettre, monsieur le Président, de vous prier de demander à M. Ravary pourquoi ce fait ne figure pas à son rapport ?

M. le Président, à M. Ravary qui est appelé à la barre. — Le défenseur me prie de vous demander pour quel motif les faits dont je viens de parler et sur lesquels le témoin vient de s’expliquer, ne figurent pas dans votre rapport?

M. le commandant Ravary. — C’est que le colonel Henry a fait une déclaration qui se trouve tout entière dans sa déposition; il a dit qu’en entrant un soir chez le colonel Picquart. il avait vu assis à gauche M. Leblois, à droite le colonel, qu’au milieu d’eux se trouvait un dossier secret et qu’une pièce était étalée sur laquelle il y avait : « Cette canaille de D... »; c’est la déposition exacte du commandant Henry.

M. le Président, cherchant du regard dans l'auditoire. — M. le colonel Henry est-il ici?

Me Clemenceau. — Monsieur le Président se rappelle que le colonel Henry était souffrant...

M. le Président. — Mais il devait revenir...

M. L’Huissier audiencier. — M. le général Gonse dit qu’il pourra venir demain.

 Me Labori. — Je voudrais que M. le commandant Ravary ne s’en allât pas parce qu’il peut être utile... Voici ce qu’on lit dans son rapport:

Un soir que le colonel Henry, de retour à Paris, était rentré chez le colonel Picquart, il aperçut M. Leblois, avocat, qui lui faisait de nombreuses visites; ils étaient assis à son bureau compulsant le dossier secret, et une feuille comportant les mots «Cette canaille de D...» était sortie du dossier et étalée sur le bureau.