Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/332

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M. le colonel Picquart. — La plus grande estime.

Me Clémenceau. — Je voudrais lui demander quelle opinion il a sur M. Leblois.

M. le Président. — Voyons, c’est l’ami de M. le colonel Picquart !

M. le colonel Picquart. — C’est un vieil ami dans la loyauté duquel j’ai la plus grande confiance.

Me Clémenceau. — Le témoin le croit-il capable d’une infamie?

M. le colonel Picquart. — Absolument pas.

Me Clémenceau. — Eh bien! je vous rappelle qu’il y a en contradiction ici deux témoins. M. le général Gonse, qui est sous-chef d’Etat-major général, ce qui est une haute situation dans tout pays, et surtout en France, — permettez-moi de le dire, — en ce moment-ci, M. le général Gonse nous a dit que M. Gribelin connaissait tous les secrets intéressant la défense nationale et qu’il était certain qu’il ne les divulguerait pas. Eh bien! voilà un homme qui connaît tous les secrets de la défense nationale, et notre pays, qu’on confronte les deux témoins, que l’on consulte tous les documents et que l’on dise qui commet une erreur.

M. le Président. — Mais la Cour a déjà répondu sur ce point; il est inutile d’insister.

Au colonel Picquart. — Monsieur Picquart, à un moment donné, n’avez-vous pas demandé à M. Gribelin s’il ne pourrait pas obtenir de la poste de timbrer une lettre, que vous n’avez pas autrement indiquée?

M. le colonel Picquart. — De timbrer une lettre ?...

M. le Président. — De timbrer une lettre, non pas à la date où elle vous serait parvenue, mais à une date antérieure.

M. Gribelin. — Mon colonel, je vais préciser vos souvenirs: vous rentriez au bureau, il était deux heures; vous m’avez fait appeler, et, en enlevant votre pardessus, vous m’avez dit: «Gribelin, pourriez-vous obtenir de la poste de faire apposer sur une lettre un timbre?» Vous n’avez pas ajouté un mot; vous ne m’en avez jamais reparlé; mais, sur mon honneur de soldat, cela est vrai, et vous savez que je ne mens jamais!

M. le colonel Picquart. — Cela, je le sais. Je répondrai de la façon suivante: Mais il est arrivé très souvent qu’avec Gribelin, nous avons causé de la manière dont on pouvait envoyer des lettres à des espions; eh bien! il est possible que ce soit un de ces souvenirs qui soit resté dans son esprit; mais, dans l'espèce, je dis: Non, je ne m’en souviens pas du tout.

M. le Président. — N’avez-vous pas, à peu près dans les mêmes termes, demandé ce renseignement à M. le commandant Lauth ?

M. le colonel Picquart. — Moi? ah! jamais, jamais, jamais!

Me Labori, s’adressant à M. le Président. — Voulez-vous me