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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/368

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travaillait pour son compte, selon sa conscience, dans l’intérêt de la patrie et tout à fait isolément.

Quand le colonel Picquart vient nous dire qu’il a trouvé un petit bleu dans les papiers que j’ai reçus, je puis vous affirmer, moi, sur tout ce que j’ai de plus sacré au monde, que je n’ai jamais vu ce petit bleu, jamais ce petit bleu n’a été reçu par moi et j’étais le seul à recevoir les papiers. Voilà ce que j’avais à vous dire.

M. le colonel Picquart. — Je demande à présenter une observation.

M. le Président. — Monsieur le général Gonse, avez-vous des observations à faire?

M. le général Gonse. — Je n’ai qu’à confirmer ce qu’a dit le colonel Henry; il n’a jamais été à la tête d’une machination, puisqu’on parle de machinations ou du moins que c’est sous-entendu. Nous avons fonctionné chacun pour notre compte et suivant notre conscience. Le colonel Sandherr était dans la plénitude de son intelligence quand il dirigeait le service à l’époque dont on parle.

Par conséquent, nous ne nous sommes jamais entendus et n’avons jamais cherché à falsifier la vérité. Au contraire, nous avons toujours cherché à la rendre aussi éclatante que possible; c’est pour cela que je ne reviens pas sur la question dont on a parlé tout à l’heure et que, lorsqu’on a signalé le commandant Esterhazy, je n’ai pas hésité à rechercher la culpabilité et je l’ai fait dans l’ordre d’idées que j’ai déjà indiqué ici. À ce propos, je dirai qu’il y a un fait singulier; on parle toujours du petit bleu; ce petit bleu, qui est tant en question, a été trouvé vers le mois d’avril ou de mai, d’après ce que j’ai pu comprendre, c’est-à-dire que la pièce à laquelle le colonel Picquart attachait tant d’importance, puisqu’elle devait faire constater la culpabilité du commandant Esterhazy, le colonel Picquart ne l’a montrée à moi, son chef, que le 3 ou 4 septembre de la même année. Mai, juin, juillet, août, cela fait quatre mois après lavoir trouvée. Je me suis demandé à ce moment-là et me demande encore comment il se fait que le chef du service des renseignements, trouvant une pièce à laquelle il attachait cette importance, ne l’a pas signalée immédiatement à son chef et qu’il a mis quatre mois à me la montrer.

M. le colonel Picquart. — Mes explications seront très brèves. Je les ai données ailleurs et elles ont été trouvées bonnes, car c’est la vérité. C’est au mois de mai que ce petit bleu a été trouvé, ou du moins reconstitué. J’ai dit ailleurs que je ne me croyais pas fondé à porter contre un officier français une accusation aussi grave que celle de trahison avant d’avoir pris des informations. J’ai dit au cours de l’enquête qui a été faite, qu’un deuil de famille très cruel avait interrompu mes investigations pendant près d’un mois et qu’un voyage d’état-major, auquel j’ai pris part ensuite, les a interrompues à nouveau. J’ai dit qu’au mois de juillet, j’ai rendu compte de la chose au général