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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/438

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M. le Président — En d'autres termes : se servirait-il du même système?

(Au témoin.) On demande, dans le cas où il y aurait un autre traitre, si vous vous serviriez du même système pour faire votre expertise?

M. Bertillon. — Toutes ces questions ont rapport à l’affaire Dreyfus.

M. le Président. — Non, Non, c'est d'une manière générale; cela n'a plus trait à l'affaire Dreyfus.

M. Bertillon. — C'est-à-dire que vous transformez en accusation…

M. le Président. — On demande, s'il venait à se produire une affaire semblable, si vous vous serviriez du même système? Cela n'a plus de rapport avec l’affaire Dreyfus, c’est d’une manière générale.

Me Clémenceau. — Je vais préciser la question, monsieur le Président, dans l'espoir que le temoin voudra y répondre.

M. Bertillon. — C’est toujours revenir sur l'affaire de 1894. C'est une affaire toute spéciale, particulièrement, absolument spéciale: ce n'est pas...

M. le Président. — Alors vous prétendez qu’à moins de parler absolument de l'affaire dont vous n’avez par le droit de parler il ne vous est pas possible de vous expliquer?

M. Bertillon. — Absolument.

Me Clémenceau. — Permettez-moi de préciser: Je suis par la pensée, Ministre de la guerre; je fais appeler M. Bertillon et je lui dis : « Monsieur Bertillon voilà un bordereau que j'attribue à un officier de l’armée française »; et puis j'ajoute: « Monsieur Bertillon, voici deux lettres dû frère de cet officier », et je termine en disant: « Monsieur Bertillon, au moyen de ce bordereau, due Je crois être de la main d’un officier français, et au moyen des deux lettres de son frère, voulez-vous me dire si cette écriture est bien Celle de l'officier français? » Dans ces conditions, M. Bertillon pourrait-il faire application de son système pour résoudre la question que lui poserait le Ministre de la guerre?

M. le Président. — Vous entendez la question.

M. Bertillon. — Je ne puis répondre à cette question; c'est tout ce qu'il y a de faux; elle a l'air saugrenu…

Me Clémenceau. — Je vous remercie; mais je dis qu'elle ne devrait pas être saugrenue, parce que c'est ce qu'à fait le Ministre de la guerre dans l'affaire Dreyfus!

M. le Président. — Ne parlons pas de l'affaire Dreyfu.

Me Clémenceau. — Mais pourquoi ne dirais-je pas après, et avec le tmoin, que c'est une question saugrenue? Parce qu’elle a été posée par le ministre de la guerre? Alors quand je pose cette question, moi elle est saugrenue; quand c’est le Ministre de la guerre, elle cesse de l’être! Bizarre!

Je répète ce qu’on a dit à M. Bertillon en 1894.