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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/450

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en même temps que les pièces, prétendant que toutes ces pièces étaient dans un coffre-fort dont il n’avait pas la clef et qu’il était impossible qu’il me montrât la moindre chose. » J’insistai en lui disant : « Mais, enfin, si on fait cette campagne ? »

C’est alors que M. le Ministre de la guerre, d’après M. Scheurer-Kestner, lui aurait répondu : « Qu’ils y viennent, je les assomme d’un coup de massue ! » . . C’est ce « coup de massue » que j’avais répété à un journaliste, qui a fait le tour de la presse, et je savais moi-même à quelle pièce il voulait faire allusion. J’interrogeais discrètement M. Scheurer-Kestner, et je lui dis que j’avais eu connaissance du bruit de la déclaration de M. Le Brun-Renaud. Il me dit : « Non, c’est une nouvelle pièce qui prouve absolument la culpabilité de Dreyfus. » Je dis : « Tant mieux ; je désirerais bien que cette affaire fût terminée à tout jamais, car elle me porte un préjudice énorme » et, de fait, j’ai été à peu près ruiné depuis ce moment.

Nous en étions là lorsque, le 9 juillet, je reçus une nouvelle lettre de M. Scheurer-Kestner ainsi conçue : « Je serais bien reconnaissant à M. Teyssonnières s’il pouvait venir me voir demain, par exemple vers dix heures du matin ». Je me rendis à cette nouvelle invitation, et M. Scheurer-Kestner me montra des fac-similés imprimés typographiquement de l’écriture d’Esterhazy et de celle de Dreyfus. J’ai même vu des originaux des deux écritures, mais il ne me posa absolument aucune question. A un certain moment, il me passa une pièce; à son aspect, — car ne l’ai pas eue un quart de minute entre les mains — je je lui dis : « Ça, c’est une écriture naturelle! »

Il me dit : « Non, cette écriture est d’Esterhazy. » Je n’attachai pas d’autre importance à cette chose-là; pourtant, il m’était resté l’impression de cette lettre. Il me demanda : « Qu’est-ce qu’elle vous dit ? » — « Elle ne me dit rien. » — « Eh bien, voici des fac-similés ; il paraît que, dans votre rapport, il y avait un mot : officier écrit comme vous l’avez signalé; eh bien! voilà le mot officier écrit comme vous l’avez relevé sur le bordereau. » Je lui répondis : « Oui, j’ai retrouvé si exactement ce mot officier qu’il a fait l’objet d’un calque se superposant pour la partie cier ». En effet, dans l’écriture des pièces de comparaison, aussi bien que dans celle du bordereau, l'i est supprimé et est remplacé par un point qui forme une r avec la lettre qui le suit, particularité bien personnelle en expertise d’écriture. Ce sont des particularités appelées idiotismes, cette chose naturelle qui échappe,... ici le mot idiotisme ne veut pas dire un idiot, mais une chose personnelle et naturelle à l’écrivain, c’est-à-dire des mouvements inconscients comme lorsqu’on se mouche, comme lorsqu’on fait un mouvement qui vous est naturel Je faisais donc remarquer cela à M. Scheurer-Kestner, lorsqu’il me fit observer que, sur le bordereau, il n’y avait pas d’alinéas, tandis que Dreyfus faisait des alinéas

Je lui dis : « C’est possible, je ne discute pas le fait que vous m’indiquez; je ne sais pas si, en cherchant des pièces de com-