Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/482

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de l’affaire Esterhazy, la première question que je posai avant d’examiner l’affaire, a été celle-ci : Opérerai-je sur le bordereau ou opérerai-je sur des photographies ou des fac-similés ? Si c’eut été pour opérer sur des reproductions, j’aurais refusé, parce que je considère la reproduction comme mauvaise et parce que je considère que celles qui se trouvent dans des lettres qui m’ont été présentées depuis, et que je n’avais pas vues alors, ce sont des reproductions fausses et ce sont des reproductions telles que toutes les personnes qui se basent sur ces reproductions arriveront forcément à une conclusion qui sera fausse, tandis que si les mêmes personnes étaient placées en présence du document lui-même, c’est-à-dire du bordereau de l’affaire Esterhazy, que nous avons eu sous les yeux, ces personnes, agissant honnêtement, loyalement, arriveraient forcément à la conclusion à laquelle nous sommes arrivés tous les trois en ayant travaillé séparément sur le document, parce qu’on ne peut pas aboutir à une conclusion différente de celle à laquelle nous sommes tous arrivés. Voilà ce que j’avais à dire.

M. le Président — C’est très net.

Me Labori. — C’est très net ; seulement cela ne répond pas à ma question.

M. le témoin voudrait-il nous dire quelle est la question qui a été posée à ses collègues et à lui pour amener les travaux auxquels il s’est livré ?

M. Couart. — Ici, je suis tenu par le secret professionnel… Mais, quelle question peut se poser à des experts quand on leur montre d’une part un bordereau et d’autre part des lettres, sinon celle-ci : L’auteur du bordereau est-il l’auteur des lettres ? Je ne vois pas trop qu’on puisse demander autre chose.

Me Labori. — Mais alors, c’est là la question ?

M. Couart. — Mais quelle question voulez-vous qu’on nous eût posée ?

Me Labori. — On aurait pu vous demander si le bordereau était de la main d’une certaine personne…

M. le Président. — C’est inutile cela, maître Labori… Avez-vous une autre question à poser ?…

Me Labori. — Non, monsieur le Président, j’insiste pour celle-là. Quelle est la question qui, avant tout huis clos, a été posée au témoin, en ce qui concerne l’affaire Esterhazy ? A-t-on demandé au témoin si c’était de l’écriture à main courante, de l’écriture calquée par Esterhazy ou par une autre personne ?… (Se tournant vers le témoin.) Vous voyez bien qu’on a pu vous en poser beaucoup.

M. Couart. — Je n’ai pas à répondre à ces questions, parce que les experts sont tenus par le secret professionnel ; l’honorable avocat doit le savoir aussi bien que moi.

Me Labori. — Comment cela ?

M. Couart. — Il me semble que les experts sont tenus par le secret professionnel ; c’est du moins ce qui a toujours été professé comme théorie.