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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/494

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M. Bertillon, chaque photographie a été notée ; il y a eu sur chacune des points de repère ; et il paraît que la photographie remise au journal le Matin reproduit le point de repère de la photographie que j’ai possédée et qui m’a servie à faire mon rapport. » — « Mon Dieu, lui dis-je, c’est d’autant plus vrai que la communication ne peut avoir été faite que par deux sortes de personnes : par les officiers du Conseil de guerre, ou bien par vous. Or, comme je respecte infiniment l’armée, je ne crois pas que ce soit un officier du Conseil de guerre qui ait fait cela ; donc c’est vous. »

Il parut assurément ennuyé de cela, il en fut tellement ennuyé qu’il me dit : « Mais, qu’en pensez-vous ? qu’est-ce qu’il faut faire ? » — « A votre place, je prendrais ce dossier et je le mettrais au feu. » Je vois qu’il ne l’a pas fait. Quelques jours après, il me remerciait du conseil que je lui avais donné ; mais il ne l’avait pas suivi.

Or, M. Teyssonnières m’avait démontré avec beaucoup de soin toutes les indications fournies au Conseil de guerre, entre autres la déposition de M. Bertillon.

— « Au Conseil de guerre, dit-il, je suis resté pendant la déposition de Bertillon ; c’est ainsi que j’ai pu voler ce document : on en a distribué à toutes les personnes qui étaient là et quand on est venu pour reprendre le mien, je l’ai mis dans ma poche. »

— « C’est vraiment curieux ! — lui répondis-je, — et je comprends que vous ayiez été tenté de conserver un pareil document… Je vous en prie, laissez-moi copier ces deux lignes qui sont parfaitement folles. »

— Non, dit-il, écrivez-moi dans quelques jours et demandez-moi le paragraphe ; je vous répondrai. » Je compris qu’il y avait là un parfait amorçage pour me compromettre.

M. Teyssonnières me dit : « A l’audience du Conseil de guerre, tous les officiers ricanaient. Il y en a un qui, à un moment donné, se pencha et dit à mi-voix : a Cet imbécile va le faire acquitter ! »... C’est moi qui ai fait condamner Dreyfus, ce n’est pas Bertillon. Bertillon est un fou et s’il n’y avait eu que lui, Dreyfus eût été acquitté. C’est moi qui l’ai fait condamner ; j’ai fait une démonstration superbe. »

— « S’il n’y a pas, lui dis-je, d’autre preuve que votre rapport, je ne comprends pas qu’on ait pu le condamner sur votre rapport… »

En effet, il y avait seulement, dans le rapport de M. Teyssonnières, des fragments qui se superposaient ; c’étaient des parties de mots qui étaient rapprochées et, aussitôt qu’on bougeait quelque chose, cela n’allait plus.

— « Enfin, dit-il, je ne vous ai pas convaincu ? » Et cette question revenait continuellement.

— « Non, et je crois que, de tous vos rapports (je n’en ai pas