Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/501

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Je vais indiquer l’altération que comporte ce procédé. C’est du zinc en relief : on fait mordre le zinc à certains endroits et on obtient un relief. Lorsqu’on tire un cliché de ce genre à la machine rotative, le zinc s’écrase un peu. Il en résulte que tous les traits s’empâtent, que l’œil de certaines lettres devient plein. Mais, comme ce genre d’altération est prévu, on peut l’escompter d’avance, et toute personne qui voudra comparer des écritures reproduites d’après ce procédé, devra s’abstenir de faire porter son argumentation sur la différence des pleins avec les déliés. Le procédé n’est pas parfait ; mais, outre l’avantage d’être bon marché, je ne crois pas qu’il comporte facilement des retouches ; c’est donc une garantie de sincérité.

En somme, le tirage n’altère en aucune façon la direction des traits et la forme des lettres : si quelqu’un a l’habitude de barrer ses t en faisant aller la barre en biais, cela reste ainsi ; s’il les barre tout droit, c’est la même chose. Le procédé ne comporte pas d’erreur sur ce qui est vraiment important.

Reprenons l’assertion du témoin à qui je faisais allusion. Il a dit : « Cela ressemble à des faux. » Je confesse qu’il y a, outre le genre d’altération que j’ai dit, une autre altération dont vous allez apprécier le peu d’importance : c’est que l’original est écrit sur deux pages, tandis que le fac-similé l’est sur une seule page, parce que c’était plus commode pour la publication ; mais il n’est personne qui ne voie qu’il y a là une différence tout extérieure et sans portée, dès qu’il s’agit de comparer la forme des lettres. Je ne vois donc pas bien ce qu’on veut dire quand on dit que cela ne ressemble pas aux originaux.

Pour le dire, en passant, j’ai eu avec M. Bertillon une conversation sur bien des choses. M. Bertillon, dont je peux invoquer l’opinion, parce qu’il s’agit d’un point de fait et non d’un point de raisonnement, m’a dit : « Ils ne sont pas si mauvais, ces fac-similés ! » M. Bertillon entend la photographie et connaît ce procédé de reproduction ; par conséquent, je trouve audacieux qu’on dise, de ces fac-similés, qu’ils ressemblent à des faux.

Le lendemain de la déposition, certains journaux étaient arrivés à dire : « C’est un faux. » C’est ainsi que se forme la légende. Il y a d’abord un rapport inexact, puis le mensonge s’y mêle, et ainsi se fait la légende.

Eh bien ! il faut détruire la légende, absolument.

Je dis donc qu’en somme ces fac-similés méritent confiance. Je ferai remarquer à l’appui — et je dirai tout à l’heure quelle est la valeur exacte et précise de l’observation que je fais — que pour une partie des fac-similés publiés, pour ceux des lettres du condamné de l’Ile du Diable ou pour les fac-similés de M. Esterhazy, nous avons beaucoup d’éléments de comparaison. J’ai vu comme tout le monde a pu en voir, des originaux, ou de bonnes reproductions sur papier photographique, dont l’examen m’a prouvé que les fac-similés faits par le procédé Gillot, au moins en ce qui concerne cette dernière série de textes comparatifs, sont très bons.