Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/531

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toujours sa personnalité ; et ici, il ne peut pas être question de faux ni de faussaire, attendu que le bordereau, comme je vous le disais tout à l’heure, est d’une écriture naturelle, d’une écriture spontanée, d’une écriture courante. Eh bien ! si nous prenons d’abord les initiales, que remarquons-nous ? C’est que pour les lettres F, B, j, i, p, t, s, v, M. Esterhazy les fait d’une manière sténographique, et que cette manière sténographique de commencer les mots est absolument identique chez l'auteur du bordereau, c’est-à-dire qu’en mettant la plume sur le papier en prenant la plume pour commencer le mot il n y a jamais de trait de départ. Vous ne trouverez jamais de traits de départ, ni dans le bordereau, ni dans l’écriture d’Esterhazy.

Prenons la manière dont les lettres sont liées. Si vous prenez la peine d’examiner à tête reposée l’écriture du bordereau et l'écriture d’Esterhazy, vous serez effrayé de ce que l’on appelle, en graphologie, la forme inhibée. Il y a des lettres constamment coupées ; par exemple, dans le mot indiquant, l’i est séparé du q. l'n est séparé de l’i

J'ai étudié longuement, Messieurs, ces formes inhibées c'est-à-dire ces mots coupés en morceaux, et je me suis dit . « Il est curieux de voir des mots en tronçons, constamment coupés en morceaux. Pour quelle cause ces mots se présentent-ils en hachures ?» Alors, j’ai examiné, et j’ai vu que ces coupures avaient lieu après certaines lettres. Les coupures ont lieu après les f les s, après les i, après les j, après les t ; après ces cinq lettres-là, vous pouvez être certain de trouver des hachures de mots dans le bordereau.

J'ai alors fait une étude comparative de chaque lettre, et je suis arrivé à cette constatation que dans le bordereau 38 0/0 des f sont liés à la lettre suivante, et chez M. Esterhazy, 41 0/0, c’est-à-dire que le rythme, je ne dirai pas géométrique, mais le rythme arithmétique, est le même chez M. Esterhazy et chez l’auteur du bordereau.

Je prends alors les t et je remarque que 40 à 45 0/0 des i sont séparés chez Esterhazy comme chez l’auteur du bordereau. Je remarque, quant au j, qu’il est toujours séparé de la lettre suivante. Quant au g, je remarque que les quatre g du bordereau, le g du mot renseignement (ligne 3), le g du mot Madagascar, g du mot guerre, le g du mot campagne, sont séparés de la lettre suivante ; et si je prends l’écriture de M. Esterhazy, je remarque que la plupart des g sont séparés de la lettre suivante.

Je calcule tous les s et je remarque qu'il y a 53 0/0 d’s liés et 47 0/0 d’s non liés dans le bordereau, et que chez M. Esterhazy, il y a précisément le même rythme arithmétique : 58 0/0 d’s liés et 42 0/0 d’s non liés.

Pour les t, proportion encore identique : 60 0/0 de t liés et 40 0/0 de t non liés ; la proportion arithmétique, le rythme, comme dirait M. Bertillon, est absolument le même chez M. Esterhazy et chez l’auteur du bordereau.