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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/543

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point de vue de la langue même, du français qu’écrit l’auteur du bordereau.

Sur le premier point, l’écriture, je serai très bref ; je dois seulement indiquer par quel moyen je suis arrivé à une conviction, car pour pouvoir juger des questions d’écriture, il faut, le mieux qu’on peut, se renseigner sur cette écriture.

Je me suis procuré, en dehors des facs-similés qui sont à la disposition de tout le monde, des lettres autographes du capitaine Dreyfus et j’ai eu également des lettres autographes du commandant Esterhazy. Pour le bordereau, je ne pouvais pas me procurer l’original, j’ai donc dû me contenter du fac-similé qui a paru dans le Matin, qui a été reproduit dans la brochure de M. Bernard-Lazare et aussi dans le placard La clé de l’affaire Dreyfus. Pour ce fac-similé, je sais qu’il a été émis des doutes sur sa ressemblance avec l’original. Je ne suis pas en état de vérifier, naturellement. Ce qui me paraît clair, c’est que ce facsimilé — qui a été publié en novembre 1896 — correspond très probablement une à photographie faite pour le procès de 1894 ; il nous représente l’état du bordereau en 1894, ou si par hasard on a fait en 1896 une photographie nouvelle pour fabriquer le fac-similé du Matin, ce serait, en tout cas, l’état du bordereau en 1896. C’est donc un état qui remonte à quelques années ou à quelques mois au moins en arrière. S’il y a aujourd’hui une autre aspect de l’écriture — comme je sais que M. le général de Pellieux, qui a eu postérieurement le bordereau entre les mains, l’a déclaré, — il va sans dire que, puisque je n’ai pas eu le bordereau entre les mains en 1897 ou en 1898, je ne peux pas répondre de ces divergences.

J’ai donc fait mon examen avec des originaux, et aussi des fac-similés de lettres pour multiplier les exemples d’écritures, et avec les fac-similés du bordereau qui, pour moi, représentent l’état antérieur du document. Pour l’écriture, je suis arrivé tout de suite et sans faire de recherches dignes de ce nom, simplement par l’évidence, par le saisissement des yeux, à une conviction pour moi tout à fait certaine. C’est là l’écriture du commandant Esterhazy, ce n’est pas l’écriture du capitaine Dreyfus ; cela me paraît sauter aux yeux, avant même qu’on ait commencé à analyser l’écriture.

Je ne voudrais pas fatiguer MM. les jurés par beaucoup d’exemples en matière d’écriture ; je crois qu’ils ont entendu déjà beaucoup de démonstrations de ce genre, qu’ils en entendront encore et que je ne ferais que répéter des choses qui reviendront plusieurs fois dans la bouche de plusieurs témoins. Je me bornerai à citer un point tout à fait précis, un détail.

Le bordereau contient un J majuscule qui dépasse la ligne en dessous. Il y a, en effet, deux façons de faire le J majuscule, les uns l’arrêtent au niveau de la ligne ; les autres descendent plus bas. Eh bien ! Esterhazy, dans toutes les lettres que j’ai vues, fait toujours le J majuscule en descendant au-dessous de la ligne ; le capitaine Dreyfus, lui, fait son J en s'arrêtant au