Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/95

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dans cette conviction ; il n’abandonnera jamais la cause qu’il a embrassée.

Cependant, on approchait des vacances, et il paraissait bien difficile d’entreprendre dès ce moment des démarches. Il semblait qu’une affaire de ce genre ne dût être engagée qu'avec la possibilité tout au moins de la suivre jusqu’au bout De plus, M Scheurer-Kestner croyait nécessaire d’avoir entre les mains des preuves matérielles qui lui faisaient défaut comme à moi, preuves matérielles qui, suivant lui, devaient consister dans des spécimens de l’écriture du commandant Esterhazy, signalée comme identique à celle du bordereau.

Cependant, Messieurs, je crus devoir soumettre à M. Scheurer-Kestner l’idée de saisir le Garde des Sceaux d’une demande en annulation du jugement de 1894, parce qu’il me paraissait dès lors acquis qu’une pièce secrète avait été communiquée aux juges, et qu’en conséquence le jugement était nul.

M Scheurer-Kestner ne voulut pas s’engager immédiatement dans cette voie ; j’ai déjà dit qu’il manquait comme moi de toute preuve matérielle.

Il prit ses dispositions pour avoir le plus tôt possible des écrits du commandant Esterhazy et partit en vacances vers la fin de juillet.

Au cours des mois suivants, il parvint à se procurer de l'écriture du commandant Esterhazy, et dès son retour à Paris il commença ses démarches auprès du gouvernement. Il en témoignera ; quant à moi, c’est tout ce que j’ai a dire sur ce point.

J'ajoute, toutefois, que lorsque M. Scheurer-Kestner fit son interpellation au Sénat, le 7 décembre 1897, il lui paraissait que cette interpellation devait marquer le terme de son action personnelle. En effet, les déclarations du Gouvernement annonçaient une enquête, loyale et complète, et il ne semblait pas à M Scheurer-Kestner qu’il lui appartînt d’intervenir dans les détails d’une instruction criminelle. M. Scheurer-Kestner se crut donc en droit de prendre vers Noël quelques jours de repos dont il avait grand besoin.

A ce moment, j’avais été mis au courant par le colonel Picquart des machinations dirigées contre lui, machinations d'une gravité extrême et dont le point à la fois le plus grave et le mieux connu réside dans deux télégrammes qui lui furent adressés de Paris le 10 novembre 1897, et qui lui parvinrent à Sousse, le premier le 11 novembre, le second le 12 novembre au matin. Ces télégrammes étaient faux. Il semblait évident qu’ils ne pouvaient avoir été rédigés que sur des indications fournies par le bureau des renseignements de la guerre, ainsi qu'il serait facile de le démontrer ; mais le colonel Picquart le démontrera mieux que moi.

Cette affaire était donc d’une gravité particulière, comme le voient le jury et la Cour, et elle paraissait toute nouvelle, puisque les télégrammes étaient du 10 novembre 1897. Cependant, il