Aller au contenu

Page:Le surréalisme en 1929, 1929.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’épargne point sa peine et a subi dix-huit heures de chemin de fer, rien que pour décrire la gare de Berlin qu’il a vue de dimensions cyclopéennes, alors qu’elle n’est pas plus vaste qu’un de nos embarcadères de ceinture. Mais on a tant parlé du Kolossal d’outre-Rhin et le lecteur n’aime pas la surprise.

Omnipotence des idées toutes faites.

Ici on aime les vieillards, comme dans les bistrots on apporte son manger. Une barbiche de 70 ans pouvait, seule, le miracle du franc arrêté dans sa chute. Dame ! il n’eût pas fallu que notre Poincaré fût jeune, et encore moins, glabre. La barbiche de Poincaré, voilà le nez de Cléopâtre des temps modernes. Je l’offre au Pascal futur.

L’idée la plus neuve, le succès, la vogue la métamorphosent en idée toute faite.

Ex. : Je rencontre un psychanalyste.

Il m’interroge : De quoi avez-vous rêvé la nuit dernière ?

Moi : J’ai rêvé d’une fuite d’eau.

Lui : Savez-vous pourquoi ?

Moi : J’avais loué un appartement. La première nuit que j’y ai couché, par suite de la rupture d’un tuyau de gouttière, j’ai été inondé dans mon lit. Comme je venais de passer plusieurs mois à la campagne, pour ma santé, j’ai gardé de cet accident une impression doublement désagréable. Et voilà pourquoi, depuis lors, je rêve de fuite.

Lui : Erreur. Vous rêvez de fuite, parce que vous faisiez pipi au lit quand vous étiez enfant…

Et de me développer les propositions de son pansexualisme. Impérialisme qui ressemble à tous les autres.

Je laisse le bonhomme parler.

Et je pense :

Si carpettes et moquettes, ces sœurs de laine à prénoms de manucures, ne se troublent rien tant que des baisers du Vacuum Cleaner, et doivent en rêver, comme au siècle dernier, de Jack l’Éventreur les transparentes et laiteuses petites putains des bords de la Tamise, toi, homme, attends l’heure où l’écriture enfin se dénoue, et, abattue la barrière des mots, ferme les yeux, flotte sur le silence, non moins léger que si un mystérieux appareil à nettoyer les tapis avait, de ses poussières, remords et souvenirs, à jamais libéré ton vieux tapis de conscience.

Déjà, tu ne crois plus à la chose écrite, pas même à ce que ta plume étire, guimauve couleur de dégoût, parfumée à l’encre stylographique, saupoudrée d’ennui, arabesque sans autre excuse sur le papier blanc, qu’une fort légitime volonté d’oublier ce matin de 1er avril veuf du poisson traditionnel, tout au jeu aigre-doux des courants d’air et giboulées, bien que ce passe-temps soit, par définition, celui du prédécesseur, mars qui, au reste, une fois de plus, cette année, n’en usa point, tant il est vrai que, malgré leur omnipotence, les idées toutes faites (celles dont on vit et celles dont on meurt, par exemple la mystique nationaliste, qui permet d’oublier à l’occasion de la mort opportune du Maréchal Foch les soldats qu’on laissa crever en Rhénanie et donne de