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Page:Le venin des vipères françaises.djvu/154

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une vipère, qu’on avait tenu longtemps avec des pincettes, et qui étoit fort irritée, la voulut prendre avec la main quoy qu’on l’eût exhorté de n’en rien faire, et qu’on luy eût représenté qu’il avoit déjà eu trop de hardiesse le jour précédent ; il ne l’eût pas plutôt prise qu’elle tourna la teste afin de le mordre et elle atteignit d’une de ses grandes dents crochües, la partie latérale interne du pouce droit, un peu au-dessous de la situation de l’ongle. La piqûre ne paroissoit que comme celle d’une épingle, elle ne nous semhloit même guère profonde, et nous ne vîmes à la superficie qu’un fort petit trou, avec tant soit peu de rouge ; de sorte qu’elle n’étoit connoissable que par sa couleur. Il n’y eut au-dessus, ni aux environs de ce petit trou, aucune trace de ce suc jaune contenu dans les vessies qui environnent les grosses dents, et que l’on a coûtume de voir épanché sur la playe, lorsque la vipère mord profondément ; la piqûre néanmoins luy causa d’ahord de la douleur, mais le doigt n’en fût pas enflé pour lors, et l’enflûre ne parût que quelques heures après, comme je le diray dans la suite.

On trouve bon de scarifier la partie, et de faire de fortes ligatures au-dessus de la morsure tant pour arrêter les effets du venin que pour en décharger cette partie blessée ; mais le malade y résista, ne croyant pas d’abord que son mal fût de conséquence et ne pouvant qu’à regret se résoudre à souffrir quelque scarification ; il n’endura qu’avec peine qu’on tint fort près et au-dessus de la morsure, une spatule de fer fort chaude et réchauffée plusieurs fois ; ce qui fut fait, afin de tenir les pores ouverts, et de rappeler et faire exhaler par là quelque partie du venin de la morsure : nous fîmes prendre cependant au blessé deux dragmes de thériaque dans un demy verre de vin.

Dans moins de demy quart d’heure après la morsure, le blessé sentit quelque débilité, et demanda une chaise ; il devint en même teins fort pâle, et son pouls se trouva fort petit, fort fréquent, et fort faible, et même interrompu : Ces accidents furent suivis de mouvements convulsifs et de roidissements de tout son corps, et surtout du coû, et des muscles de la tète : il se plaignoit aussi en même tems d’une très grande douleur vers le nombril : les froideurs parurent aux extrémitez, et même sur tout le visage, qui se trouvait couvert de petites sueurs froides : ses lèvres étoiont tuméfiées, surtout celle du dessous. En même temps se trouvant pressé de ses douleurs autour du nombril, et sentant que son ventre se voulait ouvrir, il se leva ; mais ayant rendu quelques excrémens, il