Page:Le venin des vipères françaises.djvu/174

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enfants assistés, afin qu’elle pût se fortifier au milieu des rudes travaux des champs. Le mercredi 10 mai 1882, elle était occupée à sorcier les blés, lorsqu’elle fut piquée par un aspic rouge qu’elle avait pris à pleine main, croyant avoir affaire à un serpent inoffensif.

La vipère la mordit avec fureur dans le repli Interdigital, entre le médius et l’index gaucho, et la douleur fut assez vive pour obliger cette fille à examiner avec attention la partie blessée ; elle ne vit que trois petites gouttelettes de sang sourdre à l’endroit des piqûres.

Assez effrayée, elle reprit le chemin de la ferme, et raconta à sa maîtresse ce qui venait de lui arriver. Celle-ci se hâta d’appliquer une ligature sur le poignet, et de faire tremper dans l’eau salée la main blessée. La malade se plaint d’un vif engourdissement qui remonte jusqu’à l’épaule ; l’avant-bras commence à enfler. Deux heures après, en prenant son repas, la malade pâlit, pousse un cri aigu et perd connaissance. On s’empresse de la coucher et on envoie chercher le médecin, vieil officier de santé de beaucoup d’expérience.

Celui-ci, domicilié à quelques lieues plus loin, ne peut venir que le lendemain, et constate tous les signes d’une envenimation aiguë. L’œdème a considérablement augmenté ; il a envahi le cou, la poitrine, le tronc jusqu’aux lombes ; quelques taches violacées se montrent, en particulier à la partie postéro-interne du bras, dont la température a considérablement baissé (la fermière prétend qu’il était froid comme un cadavre) ; des vomissements sont survenus, d’abord alimentaires, puis glaireux et striés de sang ; selles diarrhéiques fétides ; toux opiniâtre sans expectoration ; prostration extrême entrecoupée de délire intense (la malade se voit entourée de serpents qui l’assiègent).

Le lendemain 12, quelques convulsions apparaissent, spécialement aux muscles du visage ; la faiblesse est extrême, le moindre mouvement détermine des lipothymies. Malgré l’usage de l’acide phénique, intus et extra, les choses ne se sont point améliorées et tel était l’état de la malade lorsque je fus consulté.

Me souvenant d’un article du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, consacré au jaborandi, et donnant cette plante comme journellement employée au Brésil dans l’envenimation ophidienne, je donnai à la fermière une ordonnance pour 4 grammes de jaborandi à faire infuser dans un verre d’eau lui recommandant, après lui avoir bien décrit l’action du médicament, de