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dans la boutique d'un menuisier ivre, Henry Boutrouel, dit la Cavée[1], un incendie considérable qui dura sept jours et détruisit 850 maisons du centre de la ville ; le feu prit dans la rue Tristin (cour du n" 3 de la rue de l'Horloge) et consuma presque tout le quartier compris entre la place du Calvaire et la rue de la Monnaie à l'ouest, - les rues du Champ-Jacquet, Le Bastard et Nationale au nord, - à la place du Palais, les rues Edith-Cavell et d'Orléans à l'est, - le quai Lamartine, les rues de Rohan et Beaumanoir au sud. M. Descombe nous a fait remarquer que l'on peut voir, du haut de la rue d‘Orléans, les points extrêmes de cet incendie : au nord la rue Le Bastard, à l'est l'église Saint-Germain, au sud le quai Lamartine et à l'ouest la place du Calvaire.

Pour empêcher la population d'émigrer, il fallut permettre de construire sur les places publiques et partout ou on le put des baraquements provisoires qui enlaidirent singulièrement les quartiers épargnes ; on eut beaucoup de peine à faire démolir ces baraquements dans la suite[2], et ils n'ont même pas encore complètement disparu aujourd'hui.

Cependant, ce fléau, après avoir été un désastre pour la ville, contribua grandement à lui donner le bel aspect qu'elle présente aujourd'hui ; elle n’était avant l‘incendie qu’un dédale de rues étroites et tortueuses ; voici le portrait un peu sévère, un peu exagéré même semble-t-il, mais assez exact cependant, qu'en faisait en 1636 Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire de Bretagne[3] : « La ville est peu belle. Le pavé est… fort petit et pointu ; les rues étroite, les maisons s'eslargissent par le haut, en sorte qu'en beaucoup de lieux elles se touchent presque l'une l'autre, et à peine le jour entre-t-il dans les rues ; car les seconds estages s'avancent en dehors sur les premiers, et les troisièmes sur les deuxièmes, et ainsy tousjours se vont estrecissant. Par dedans elles sont mal ordonnées,… en la plupart des logis il faut passer à travers la sale ou cuisine pour aller à l'escurie ou estable,… les bestiaux passent par même passage que les hommes, et peu s'en faut qu'ils ne logent ensemble. Et comme les logis sont partie de pierre ardoisine (schiste) et principalement de bois, les rats et les souris y sont en plus grand nombre que j'aye jamais veu en aucun autre lieu… Les puces et les punaises n'y manquent pas ».

Ogée, de son côté, nous dit que les rues « étaient fort étroites, et les maisons bâties en bois étaient si élevées que, les rayons du soleil ne pouvant pénétrer dans les rues, elles étaient toujours fort humides et très-sales »[4].

  1. Arch. mun., 526, Délibération de la Communauté de Rennes du 30 janvier 1721.
  2. Arch. mun., 133 et 137.
  3. Archives de Bretagne, IX, 20.
  4. Histoire de Rennes, par Marteville, I, 250