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Préface

née..., démontre qu’il ne faut pas moins de 127 mètres carrés de surface pour supporter un homme. »

Je courus à la bibliothèque de Lyon, et j’y trouvai ce passage tel quel : c’était exactement copié.

Je fus littéralement écrasé moralement. Ce fut un effondrement de mon intellect. Je me soumettais devant cet incomparable génie des mathématiques, et ne songeai pas un instant à me défendre.

Je n’avais que vingt ans !

(Au fond, cette terreur était bien irréfléchie. Lalande parlait d’une chose dont il ne connaissait pas les premiers éléments. Il était bien loin d’être un aviateur. C’est exactement comme s’il avait causé dessin, musique ou couture. Au lieu de rire et de me demander de quoi il se mêlait, je m’affolai comme un enfant que j’étais).

Je fus long à me remettre.

Un mois se passa ainsi, sans pouvoir penser, mais sans cependant pouvoir oublier ce beau rêve.

Un jour, me trouvant en face de mon grand aigle, je fis la réflexion suivante : Comment s’arange-t-il ce gros oiseau pour avoir une surface de 127 mq ?

Ce ne fut pas long. Je le pris, l’hypnotisai, le pesai à bout de bras ; je vis qu’il pesait environ 5 kilog. Alors entrevoyant une immense bêtise, je fis le dessin de son ombre, avec une précision rigoureuse, et établis sa surface, qui était d’environ un mètre carré.

Le nuage était dissipé. J’y revoyais après cette longue nuit d’un mois. Je comprenais que moi et mon oiseau avions raison du grand mathématicien ; mais telle est l’impression causée par la prépotence d’un grand nom, que je refis plusieurs fois mes calculs.

Enfin, muni de mon aigle, et de ma grande feuille de papier, je redescendis près de mon père.

Je le priai de peser mon oiseau. Il trouva cinq kilog.