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ETUDES D’OISEAUX

concert assourdissant comme quand il meurt quelqu’un chez les Arabes. Il devait certainement y avoir des pleureuses payées, car il n’est pas possible que tout ce monde de corneilles eût une pareille affection pour ma voisine, qui, soit dit entre nous, avait le caractère : assez acariâtre.

Le mâle depuis cette époque a disparu, abandonnant ses trois jeunes, dont l’éducation est au reste achevée.

La femelle sèche dans son nid. Ce doit être pour eux le mode d’inhumation classique.

Les trois petits sont venus coucher, avec beaucoup d’effroi, près du corps de la défunte, qui doit à l’heure actuelle être réduite à l’état de squelette.

Voilà la vie de famille de l’oiseau quand on peut bien étudier ce qu’il fait, lorsqu’on se rend bien compte de ses actes. Cet enterrement ressemble étrangement à ce qui se passe dans la famille d’Orient quand elle perd un de ses membres : même cri de visiteuses, même assemblée bruyante, même expansion outrée de sentiment.

Les milans sont venus voir ceq ui causait ce remue ménage. Ils ont plané sur le nid à maintes reprises, montrant qu’ils prenaient part au malheur qui fondait sur leurs voisins, puis ils remontaient sur un point élevé où ils philosophaient sur les vicissitudes de ce bas monde.

Ce rapprochement excessif de l’oiseau est, quand on l’aime, souverainement intéressant. Il faut être bon pour lui, sans cela on ne voit qu’une bête appeurée qui ne cherche qu’à vous fuir ; mais quand, avec du temps et de la douceur, on a capté son amitié, le spectacle devient charmant. Ainsi, la corneille, le milan, viennent vous reconnaître ; c’est une franche salutation qu’ils vous adressent et qui n’a rien de semblable au dire de l’oiseau qui vous crie : J’ai faim ! n’as-tu pas quelque