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ETUDES D’OISEAUX

son œuf ; c’était le 15 mars ; elle couvait avec une assiduité exemplaire. Un corbeau vint au nid, et là, lui donna une distribution de coups de bec épouvantable. Je crus d’abord que c’était le mâle qui usait de son droit d’époux, comme réparation de quelque faute qui m’était inconnue. La pauvre femelle criait comme une malheureuse, mais recevait les coups sans bouger de dessus les œufs : quand soudain je compris ! L’assaillant quittait précipitamment l’attaque et filait au plus vite. Je vis alors, arrivant à toute vitesse, bas dans la rue, le mâle venant au secours des siens.

C’était tout simplement la voisine, qui jalouse de voir une nichée pondue à son heure juste, venait passer sa mauvaise humeur et donner à la couveuse une tirée de plumet homérique.

Le beau côté de cette vulgaire crépée de chignon est la conduite de ma corneille. Si elle s’était levée du nid, si un œuf avait été visible seulement une demi-seconde, il était troué.

Elle les a défendus, ses chers œufs, l’espoir de la famille à venir. Les plumes ont volé au vent, le sang a coulé, la rage de se battre devait la dévorer, car ce sont fières bêtes que les corbeaux, mais elle n’a pas bougé et ses œufs sont intacts.

Voilà le vrai courage ! Commander à ses instincts querelleurs d’une pareille façon est le fait d’un cerveau supérieur.

Il y a souvent des duels de corbeaux. Ils se tiennent par les pattes et frappent du bec. La galerie, toujours nombreuse, surveille les coups et est tellement empoignée par les péripéties du combat que j’ai pu les approcher dans ce cas à quelques mètres. Un jour j’ai pensé prendre les deux combattants. Je crois que si je ne les avais séparés, vu l’acharnement qu’ils y mettaient, ils se seraient battus jusqu’à ce que mort s’ensuivit.